Edition spéciale : Le spectre annoncé par Hollande, après celui annoncé par Valls

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François Hollande l’a dit le 28 août devant les ambassadeurs : « l'Europe est menacée par une longue et peut-être interminable stagnation si nous ne faisons rien. » On aura reconnu, en français, le spectre de la secular stagnation qui agite les esprits outre-Atlantique. Ce spectre succède à celui annoncé par Manuel Valls, le 1er août : « le risque de déflation est réel ». Le Président Hollande en profite pour corriger son Premier ministre : « certains parlent de déflation, nous n'en sommes pas là ».

 Edition spéciale : Le spectre annoncé par Hollande, après celui annoncé par Valls

Ce diagnostic est-il vrai ? Oui dans les chiffres, pas dans l’analyse et la solution.

Oui, nous n’avons ni croissance ni inflation. Oui la croissance est très faible : 0 % aux premier et deuxième trimestres, 0,5 % cette année, à peine plus que l’an dernier (0,4 %), un peu plus l’an prochain, avec 0,8 ou 0,9 %. Oui l’inflation est très basse : + 0,5 % en juillet sur un an. Elle baisse même de 0,5 % entre juin et juillet, sous l’effet des soldes et des produits frais. Surtout, l’inflation sous-jacente (structurelle) est très faible : 0,2 % de juillet 2013 à juillet 2014.

Mais c’est notre faible croissance qui est à l’origine de tout. Elle provoque le chômage et pèse sur les prix. La désinflation devient déflation quand elle entre dans les esprits et quand chacun, entrepreneur ou ménage, se dit que demain sera moins cher. Alors chacun épargne plus, la demande baisse, les prix s’effondrent.

Mais pourquoi donc cette faible croissance ? Les raisons abondent : l’économie mondiale est déréglée et inquiète, la révolution technologique déclasse des activités et des emplois – quand elle ne les fait pas disparaître, la zone euro paye le prix de ses erreurs, en Grèce, Espagne, Italie… et ce prix à payer, cette « rigueur », nous reviennent en boomerang.

Ces raisons ont toutes leur part de vérité, mais nous devons lutter contre celle qui nous affecte le plus : le manque de courage devant les réformes. En France, la « nécessaire réduction » des déficits budgétaires doit se faire vite, avec des partenaires qui discutent des modernisations à accomplir et des compensations à trouver, privées et publiques.

Ceci est d’autant plus vrai que le spectre de la secular stagnation (repris de Larry Summers en novembre 2013) est autrement plus grave que ce qu’en retient le Président Hollande. Ce spectre nous ouvre trois voies, tout aussi dangereuses :

  • nous allons croître moins parce que notre population active s’est réduite, donc notre production potentielle,
  • nous allons croître moins parce que les taux d’intérêt, même à zéro, ne sont pas assez bas pour pousser à investir. Les taux réels doivent être davantage négatifs, donc l’inflation plus forte, pour faire repartir la machine en diminuant la valeur réelle des dettes,
  • nous allons croître moins parce que nous sommes plus vieux, moins agiles et épargnons plus.

Il faut refuser ces trois voies parce qu’elles sont mécaniques, autrement dit qu’elles excluent la volonté et le débat économique et social. Oui notre sortie sera d’autant plus lente que notre ardeur à mener les réformes pour assouplir les marchés des biens et services publics et privés sera limitée. On voit ce qu’il en est avec les 35 heures, les seuils sociaux, la concurrence, les professions réglementées dans le privé, les protections et augmentations automatiques dans le public, sans oublier les retraites. Oui les chamboulements nécessaires seront récessifs à court terme. Avant de s’améliorer, la situation se détériore puisqu’il faut réduire les excès et corriger les erreurs – avec les tensions qui vont avec.

La cohésion sociale en France devra faire la différence pour éviter la crise durable, la secular stagnation (quelle qu’en soit la forme). Il faut adapter les emplois à la nouvelle donne et mieux former les esprits. Des politiques européennes plus efficaces : euro plus faible, grands travaux pour accélérer l’informatisation et « l’écologisation » de nos économies peuvent aider, nous et les autres. Mais elles ne peuvent agir en nos lieu et place.

C’est la désunion qui fait ce spectre qui nous effraie. Le chasser, c’est une question de dialogue dans l’entreprise, de responsabilité dans le public, de courage politique et d’unité nationale.