La guerre des monnaies est déclarée

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L’euro baisse de 20 % en quelques mois sous l’effet de la politique de Mario Draghi, sans qu’il le veuille - bien sûr. Les Etats-Unis commencent à s’en rendre compte. Les valeurs américaines exportatrices chutent en bourse (Caterpillar par exemple). Mais Janet Yellen, à la Banque centrale américaine, ne dit rien. La Chine s’insère dans le jeu, sans le dire non plus. Elle suit moins la baisse de l’euro par rapport au dollar : son taux de change augmente un peu par rapport à l’euro, mais baisse mécaniquement par rapport au dollar – une première. Pour continuer sur cette lancée et faire baisser son Yuan sans être critiquée (par les Etats-Unis), la Chine accroît ses emplettes en zone euro. Elle commence par la France où le Premier Ministre Valls l’y invite.

 La guerre des monnaies est déclarée

Bien sûr, le déclenchement de ces récentes hostilités vient de Mario quand il décide d’acheter plus de 1100 milliards d’euros en bons du trésor, crédits bancaires et obligations d’entreprises. Il s’agit officiellement de faire baisser les taux d’intérêt pour lutter contre la déflation et faire repartir la machine économique de la zone euro. Mais le chiffre est fait pour frapper les esprits… des marchés financiers. Ils avaient 500 milliards d’achats en tête, un montant que la Banque centrale européenne leur avait murmuré. Histoire de les préparer. Histoire de les surprendre, surtout, pour les faire vite réagir. Parce qu’acheter 1100 milliards d’euros, c’est faire comme la Banque centrale américaine en son temps. Elle avait alors fait baisser le dollar, donc monter l’euro, et la Banque centrale européenne ne s’était pas plainte (à la différence des entreprises, certes). Aujourd’hui, la Banque centrale européenne attend que sa consœur américaine fasse montre de la même « patience » qu’elle il y a quelques années, quand c’était d’ailleurs autrement plus méritoire.

Le jeu se complique ensuite. Du côté de l’euro, le Franc suisse monte et rejoint le dollar, quitte à ce que la Suisse entre en récession. Vient aujourd’hui la Couronne danoise. Elle est encore liée à l’euro comme l’était le Franc suisse il y a quelques semaines. Les marchés veulent tester le lien. La Couronne danoise jure de rester liée à l’euro, refusant une forte appréciation « à la suisse » qui ferait chuter son économie. Elle baisse ses taux d’intérêt deux fois en une semaine, achète toujours plus d’euros et décide de ne plus emprunter sur les marchés. On verra ce que ceci entraînera.

Du côté des émergents, le Brésil entend faire baisser sa monnaie par rapport au dollar : sa croissance est arrêtée, son déficit extérieur se creuse. L’Inde veut monétairement s’aligner sur la Chine, son « cher voisin ». L’Afrique du sud maintient ses taux d’intérêt, mais annonce un ralentissement économique : on verra. Et la Russie, dont le Rouble a perdu 40 % de sa valeur par rapport au dollar, vient de baisser ses taux. Inutile d’épuiser les réserves de change ! Et ce n’est pas fini. Lundi 26 janvier, la Russie apprend qu’elle n’est plus investment grade sur les marchés internationaux (merci Standard & Poor’s !) et passe junk. Mercredi 28 janvier, elle emprunte 2,5 milliards de dollars à échéance décembre 2017 alors qu’elle en voulait le double, au taux de 14,77 % !

Evidemment, le Yen japonais ne veut pas monter contre le dollar. L’inflation sous-jacente ne repart pas assez, le risque déflationniste est là. Tout est prêt pour que le Premier ministre achète encore des bons du trésor, fasse rebaisser sa monnaie pour exporter et, quand la reprise sera plus forte, augmente encore la TVA pour réduire le déficit budgétaire et faire repartir vraiment l’inflation. Samouraï…

Les pays exportateurs de matières premières, même l’Australie, arguent des baisses des prix du pétrole, des minerais et des produits agricoles et alimentaires pour ne pas suivre ou ne pas trop suivre la montée du dollar. Si nécessaire, ils baisseront leurs taux d’intérêt (le Canada vient de le faire).

Moralité : le dollar devrait continuer, assez seul, son ascension, ses taux d’intérêt augmenter le plus tard et lentement possible et ses taux longs prolonger leur anomalie. On peut s’inquiéter des risques de cette guerre monétaire – déflationnistes, peut-être pires. Mais on peut se dire aussi que quand la croissance est si faible et les taux d’intérêt si bas, c’est maintenant qu’il faut s’endetter pour acheter les autres entreprises, et leur croissance avec. La guerre des changes débouche sur celle des entreprises. OPA, nous voilà !

 

Egalement publié sur Atlantico.