Brexit : l'Oracle de Delphes vous répond

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23 juin : nous saurons si le Royaume-Uni veut, ou non, quitter l’Union européenne. Aujourd’hui, meurtris par l’assassinat de la Députée anti-Brexit Jo Cox et inquiets de l’avenir, nous partons à Delphes. En désespoir de cause. Là, dans le temple d’Apollon, nous interrogeons la jeune vierge inculte qui sait tout : la Pythie.

 Brexit : l'Oracle de Delphes vous répond

Tous : Divin oracle, quel va être l’effet du Brexit ?

L’oracle : Une grande économie va beaucoup souffrir.

Tous : Ah non, trop facile ! Vous avez fait le coup en 546 av J.C. à Crésus, roi de Lydie. Il était venu vous demander s’il devait partir en guerre contre Cyrus, roi des Perses. Et vous lui avez répondu : « Si tu fais la guerre aux Perses, tu détruiras un grand empire. » Et Crésus est parti ! Mais il est battu et fait prisonnier. Libéré et mécontent (on le comprend), il revient ici. Il accuse Apollon de l’avoir trompé. Et vous lui répondez : « Tu aurais dû demander au dieu de quel empire il parlait, le tien ou celui de Cyrus ? ». Plus possible maintenant : on a lu Hérodote. Et ce qui se passe est grave. On veut du précis, pour chacun !

O. : Avancez donc, chacun, avec votre question.

La City of London : Allons-nous grossir ou maigrir ?

O. : Vous allez maigrir, car vous aurez fait peur aux gros.

Le CAC 40 : Allons-nous attirer les centres de décision qui partiraient de Londres ?

O. : Vous allez attirer, si vous êtes attirant !

Paris Europlace : Est-ce que la Deutsche Börse va revoir son alliance avec le London Stock Exchange et, nous, en profiter ?

O. : Si le LSE vaut moins cher, la Deutsche Börse fera une meilleure affaire en l’achetant. Comptez plus sur votre propre force que sur la faiblesse des autres, pour peser plus.

Les banques françaises : Faut-il réduire nos salles de marché à Londres et revenir sur Paris ?

O. : Réduire sur Londres oui, toutes le font. Revenir sur Paris, attendez la loi El Khomri ! Je plaisante. Nul ne sait, moi comprise, ce qu’elle va donner !

Les politiques anglais : Comment profiter du message du Référendum ?

O. : Sibyllin (c’est le mot), ce message ! Chacun va l’expliquer selon ses intérêts. Le Brexit, s’il a lieu, lui donnera raison. Les conservateurs anglais favorables au Stay diront qu’ils ont été trahis et se préparent à la revanche. Les conservateurs Leave vont espérer défaire les conservateurs Stay aux élections à venir. Et les Labour, silencieux pendant la campagne, attendent les mêmes élections pour se refaire. Comme je disais à Crésus : une grande économie va beaucoup souffrir.

Les PME anglaises : Mais nous, on n’est pas la City ! On a voté Brexit pour être plus flexibles, avec des lois plus souples, pour négocier avec qui on veut, sans passer par Bruxelles et l’Allemagne !

O. : Le Royaume-Uni, seul, verra ses vrais amis. Et à qui il vendra.

Les PME françaises : Et allons-nous comprendre ce risque du Brexit ? Que le Royaume-Uni sorte, ou pas, allons-nous devenir plus souples, comme les Anglais et les Espagnols ? Ou moins taxés et plus rentables, comme les Allemands ?

O. : Demandez aux politiques français. Ils seront peut-être plus clairs que moi.

Les politiques français : Et nous, qu’est-ce qu’on gagne au Brexit ?

O. : Mélenchon et Marine, vous verrez ce qui se passe si vos vœux sont exaucés. Hollande, Juppé et Sarkozy (et tous ceux qui sont derrière vous), vous verrez ce qu’il en coûte à ne pas être plus courageux. Le Brexit, s’il a lieu, va vous poser un vrai problème. Le Royaume-Uni va se battre plus pour être compétitif, avec une Livre en baisse. Il faudra alors que vous soyez plus efficaces, si vous ne voulez pas que vos courbes de reprise et d’emploi ne replongent.

Les économistes : Mais comment comprendre un vote Brexit ? Les meilleurs d’entre nous ont averti du péril, de la croissance en baisse, de l’hostilité de l’Union après, de l’isolement du Royaume et de ses risques d’éclatement, de la Livre en baisse, du chômage en hausse et de la montée des taux !

O. : Un secret : ceux qui votent Brexit ne travaillent pas à la City, mais à la ferme ou à l’usine. Ils ne vivent pas à Londres : trop cher. Ils voient les Russes acheter leurs châteaux et clubs de foot. Et maintenant, plus de migrants plus pauvres veulent franchir la Manche. Métèques, on disait à Athènes ! Ce n’est pas l’économie qui agit mais la peur, la phobie, la folie.

Tous : Et si le Royaume-Uni a prévu son éventuel départ, pas nous en zone euro ! Alors, comment s’en sortir ?

O. : Pour s’en sortir, c’est sans sortir.

Tous : Quoi ?!

O. : C’est comme avec Crésus : ils ne veulent jamais comprendre !