Economie du populisme

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Les populistes veulent défendre « le peuple » contre les gros, les puissants, les forts - pays ou entreprises qui tordraient les règles à leur avantage. Ils veulent donc le convaincre des risques mortels qui pèsent sur lui et de l’importance de leur mission.

 Economie du populisme

Populisme ou populismes ? Unique ou non, d’extrême droite ou des deux ? Plutôt d’extrême droite est souvent la réponse, mais on en voit des formes d’extrême gauche en Grèce, Italie ou Espagne. Ce qui les unit dépasse en fait ce qui les oppose. Leur ennemi, c’est le plurinational, pire : le global.

Mais comme le FMI est hors de portée, ils s’attaquent à plus proche : l’euro et l’Europe. Déjà, les hommes politiques « classiques » critiquent l’un et l’autre en permanence. Ils oublient ce qu’ils apportent et ne font pas, eux, les réformes promises pour les renforcer. Ils ne cessent au contraire de répéter que « c’est Bruxelles qui demande » ou « c’est la faute à Bruxelles ». Pain béni ! L’euro explique alors tout ce qui ne va pas et s’opposer à lui crée l’union sacrée. En sortir, par la dévaluation, permet, au choix, l’agriculture de proximité, le retour de l’industrie, la croissance, l’emploi, la baisse des déficits publics. L’austérité recule, vers Bruxelles. L’arme décisive c’est donc le Franc libéré, autrement dit dévalué.

Difficile de dire quand même qu’il va automatiquement amener plus d’emploi et de croissance sans plus de recherche et compétitivité. Au début des années 60, le Franc était à parité avec le Mark. Quatorze dévaluations plus tard, son taux de change est de 3,4 pour un Mark lors du passage à l’euro, sans que l’Allemagne ne se soit effondrée ou que la France ait rayonné. La monnaie ne fait jamais la compétitivité sans recherche, innovation, profitabilité et cohésion sociale. Aujourd’hui moins que jamais, avec la révolution de la communication. Tout s’échange partout, plus vite, moins cher. Alors ? Interdire Apple, Google, Wifi ?

Pour nous défendre (et exister), le populisme refuse ces critiques. Il se veut l’expression politique des catégories sociales qui se sentent menacées par les mutations en cours. Il réunit les révoltes des artisans contre les fabriques et celles des petits commerces contre les grandes surfaces, luddites et poujadistes. Et comme l’extérieur inquiète, il est contre (à peu près tout) ce qui n’est pas hexagonal.

Mais le vrai risque populiste est ailleurs : non pas se tromper, mais renforcer la crise qu’il prétend combattre. En effet, les métiers menacés ne sont pas « non compétitifs » au sens d’hier, autrement dit trop chers, mais au sens de demain, autrement dit trop loin des clients. Ils ne sont plus assez informés sur ce qu’ils veulent, au point de ne pas bien satisfaire, encore moins devancer, leurs désirs. La compétitivité d’aujourd’hui, c’est moins le low cost que la justesse des prestations offertes. Le vrai low cost.

C’est la différenciation par la proximité et l’information qui réduit le risque de disparition d’un métier. Elle lui ouvre en plus d’autres espaces de besoins. C’est la formation vraiment permanente et moderne qui fait gagner. Bien sûr, cette différenciation et cette formation doivent être liées à des simplifications administratives et à des baisses de charges et d’impôts. C’est alors qu’on peut mieux comprendre les autres économies et échanger avec elles en étant vraiment compétitifs. A l’inverse, fermer c’est mettre en danger. « Relancer la demande » dans une économie fragile, c’est y baisser les profits, l’investissement, la recherche, l’emploi – et très vite. La compétitivité d’aujourd’hui, c’est la proximité du vrai low cost plus le low tax d’une administration efficace.

Au fond, l’absent des populistes, c’est le peuple. Les peuples européens, attaqués par ce Franc dévalué, ne vont pas rester les bras croisés ! Soit ils redoubleront d’efforts, et gagneront. Soit ils mèneront des dévaluations compétitives, et tout le monde perdra. Surtout, le peuple de France ne pense pas que la sortie de l’euro va l’aider. Il ne la veut pas ! Il veut travailler correctement dans le privé et que les avantages du public soient explicables, ou réduits. Il veut des salaires discutés dans l’entreprise, pas en haut. Il veut échanger avec ses voisins, ceux du village mondial. Alors sa colère monte devant l’injustice et l’irresponsabilité, mais plus encore devant le manque de courage pour faire les réformes qu’il attend, pour réussir. Le peuple français veut avancer, à Front renversé en quelque sorte.