Peut-on gagner une drone de guerre ?

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La Reine d’Angleterre menacée, et voilà ceux qui préparaient l’attentat tués par un drone au Moyen-Orient. Notre monde s’arme partout, plus, mais en miniature. Ces petits avions n’inquiètent pas, pour deux raisons. Les grandes puissances se disent qu’elles évitent l’envoi de « leurs gars ». Surtout, elles ont le sentiment de maîtriser seules ces technologies.

 Peut-on gagner une drone de guerre ?

D’abord, cette nouvelle guerre est « hors sol ». On reste chez soi et on envoie un drone. Depuis le ciel, il surveille les mouvements de troupes et de populations, piste les réunions suspectes et « traite » des objectifs humains et stratégiques. En clair, il tue les chefs et anéantit les positions clefs.

Ensuite, cette guerre étend sa panoplie. A la question : « comment intervenir dans un pays sans y aller, pour saboter ses installations militaires, nucléaires, d’écoute ou, mieux encore, ses échanges interbancaires et ses distributeurs de billets ? », on répond : en envoyant un malware (un mauvais software). On a alors le choix :

  • le malware industriel et technologique, c’est le plus sûr. Il y a quelques mois, un des leurs, venu d’on ne sait où, a profondément endommagé des unités d’enrichissement iraniennes ;
  • le malware de propagande, c’est le plus incertain. Il y a quelques mois aussi, une puissance étrangère « aurait » mené un hackage massif de Sony, dans l’idée d’empêcher la sortie du film « L’interview » qui ridiculisait le leader de Corée du Nord. Le monde est stupéfait de l’opération. Mais le film sort, avec une audience inespérée. A tel point qu’on se demande si Pyongyang est bien derrière la manœuvre !
  • le malware financier, c’est le plus risqué. Menacer de dérégler les systèmes de paiement d’un pays (idée entendue aux Etats-Unis quand on craignait que la Russie n’occupe l’Ukraine), de bloquer ses cartes de crédit ou ses virements interbancaires, voire d’y organiser un bank run est possible, surtout à partir des Etats-Unis. Mais c’est risquer de l’effondrer. Qui va le relever ? Et semer l’inquiétude chez l’autre revient en boomerang. Et si ça nous arrivait ? Voilà pourquoi ce niveau n’a pas (encore) été atteint. N’empêche, Etats et entreprises devraient y songer.

Cette drone de guerre est très facile à commencer. Drone et malware sont des armes rusées, souples, sans signature claire, sans demande d’autorisation. Contre un État, elles veulent freiner ou arrêter sa menace. Contre un mouvement politique et/ou religieux, elles veulent terroriser ses chefs. C’est faire la guerre sans la déclarer : « pratique » pour les pays pauvres et/ou totalitaires, « pratique » pour les démocraties entourées de pays hostiles, « pratique » pour les démocraties qui veulent se défendre sans exposer… « leurs gars ».

Mais on ne sait pas comment l’arrêter. Une guerre est toujours une « montée aux extrêmes » (Clausewitz), jusqu’à ce que le vaincu cède. Il faut « gagner la guerre », puis « gagner la paix ». Il ne s’agit pas de « faire payer » le vaincu au point de le ruiner (on en a vu les résultats avec l’Allemagne), moins encore d’y créer des martyrs, mais de gagner les esprits à une aventure démocratique et économique de croissance. Ni drone, ni malware ne permettent de gagner la guerre, moins encore la paix. Ils affaiblissent et peuvent susciter l’effet inverse.

Aujourd’hui se prépare le robot-soldat. Les électorats ne seront pas contre ces mercenaires de métal. Mais la drôle de guerre, en son temps, n’a pas évité la Grande. Et pourtant il ne s’agissait « que » d’une guerre économico-politique ! Par rapport aux guerres religio-économiques d’aujourd’hui, on mesure l’écart. Le drone est un retardateur, comme pour les incendies, le soldat-robot un accélérateur. La nouvelle drone de guerre, celle où l’avion atterrit seul et laisse partir des tanks emplis de robots n’est plus du cinéma. C’est ce que craignent les chercheurs en Intelligence artificielle réunis à Buenos Aires fin juillet 2015.

Avec ces Robosoldiers non plus, l’avantage décisif n’est pas obtenu et la guerre peut s’étendre. Dans les années 60, « l’équilibre de la terreur » avait ruiné l’union soviétique. Mais que faire contre une guerre qui se dit « sainte » ? Que faire contre ce modélisme qui, un jour, nous atteindra ? Si tu veux la paix, améliore tes drones et protège-toi des malwares : OK ! Surtout, investis comme jamais dans une croissance plus durable et mieux répartie, plus stable et démocratique. Et fais le savoir, en la répandant. Exactement ce qu’on ne fait pas.

 

Voir sur ce sujet Comment évoluent les dépenses militaires ?, le Zoom du 17 septembre.