Pour repartir, il faut mettre l’immatériel au travail

- Ecrit par

 Pour repartir, il faut mettre l’immatériel au travail

Source : L’évaluation des investissements incorporels en France : méthodes et premiers résultats Vincent Delbecque, Sylvie Le Laidier, Jacques Mairesse et Laurence Nayman, Economie et Statistique n°450. 2011.

 

Pour repartir, il faut chercher, former, appliquer, investir dans des actifs immatériels et impliquer plus que jamais les « salariés » dans le partage de la richesse qu’ils créent.

Qu’est-ce qui nous est arrivé ? Pourquoi est-ce que nous ne croissons plus aussi vite qu’avant et avons tant de peine à repartir ? D’abord, pourquoi avons-nous beaucoup crû avant la crise ? Réponse, partielle : parce que les bases de notre croissance ont changé. Elles sont aujourd’hui plus immatérielles et liées à la formation que jamais. Et si elles sont immatérielles et liées à la formation, elles sont à développer en permanence, irrécouvrables car elles sont la propriété de celui qui les reçoit et participe à l’acte de création de richesses. Il faut donc le motiver et le rémunérer de façon spéciale.

Regardons l’avant crise en France. Pourquoi avons-nous crû autant, 3,9 % par an en France entre 1995 et 2007 ? Parce que nous avons fait des progrès en travaillant plus et mieux : c’est la productivité du travail pour 2 % par an. Parce que nous avons investi en machines : c’est la productivité du capital de l’ordre de 0,4 % par an sur la période. Parce que nous avons investi aussi, et de plus en plus, en biens incorporels. Ils nous ont fait croître de 0,6 % par an. Et parce que tout ceci se combine pour expliquer le solde (la productivité globale des facteurs), soit : 0,9 %.

Ainsi, avant la crise, le capital incorporel explique le quart de notre croissance ! Directement, c’est le sixième de notre croissance et il contribue, indirectement (pour le tiers, la moitié ?), au reste inexpliqué. Bien sûr, ces estimations sont grossières. Mais elles ont au moins l’avantage de faire apparaître ce qui était caché : les sources invisibles de notre croissance. Or ces sources invisibles de la croissance sont grandissantes et de plus en plus importantes !

Cet immatériel, ce sont des logiciels acquis (0,7 % du PIB français en 2004) et produits (0,6 % du PIB), des originaux artistiques (0,15 %), des études techniques et architecturales (1,6 %), de la R&D bien sûr (1%), des bases de données (0,04%), des investissements organisationnels (1,5%), des études de marché (0,1 %) et de la publicité (1,2 %), des innovations financières (0,02) et de la formation continue (0,5%). Au total : 7,3 % du PIB !

Ce qui est plus intéressant encore, c’est que cette part a atteint 10 % du PIB en 2008, sous l’effet des investissements en logiciels, soit huit fois plus qu’en 1980 en valeur ! Quelles leçons tirer de ce qui nous est arrivé et de ce que nous devons faire ? Que notre croissance devient de plus en immatérielle. Elle est donc de plus en plus risquée, ce qui implique qu’elle doit être soutenue, plus que jamais, par son carburant : le profit, en liaison avec son partage, puisque le bénéficiaire de ce capital immatériel est individuel et largement humain.