De quelle couleur sont les gilets jaunes ?

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Quelle question : jaune fluo bien sûr, pour être bien visibles et empêcher les accidents ! Mais pas ceux de ces jours derniers, présents partout en France à l’appel des réseaux sociaux, hors des partis et des syndicats. Ils n’ont pas vraiment aidé à fluidifier la circulation, sans compter les inquiétudes et les dommages suscités ! Donc, ce jaune fluo ne serait pas celui du code de la route. Voilà ce qui explique les prises de position et analyses multiples sur sa couleur véritable, donc sur sa nature réelle !

 De quelle couleur sont les gilets jaunes ?

Illustration : Thomas Bresson (CC BY 4.0)

 

Rouge éclatant ce jaune, comme le drapeau révolutionnaire, d’extrême gauche même, contre les riches et les ploutocrates, disent les uns ! Non, disent d’autres : ces gilets veulent que les taxes sur l’essence baissent, donc son prix. Ce n’est pas « de gauche », parce que, si les prix baissaient, les salaires risqueraient de suivre ! Les syndicats de salariés veulent que les salaires montent plus que les prix !

Rouge foncé donc, ce jaune ! C’est celui des bonnets rouges qui s’opposaient à l’écotaxe en Bretagne en octobre 2013. Ils avaient fait tout arrêter, détruire les portiques et les radars qui devaient fiscaliser les poids lourds, une merveille technique du temps de Ségolène Royal et de François Hollande, votée par tous à l’Assemblée. De fait, notre jaune-rouge actuel est plutôt antifiscal, contre la hausse des prix de l’essence, mais aussi de la CSG pour les retraités (en début d’année), puis aussi des impôts locaux et des prix réglementés du gaz et de l’électricité ! Est-ce une jacquerie, comme en mai… 1358, avec ce Jacques Bonhomme, nom donné aux paysans – qui ne furent pas si « bonhommes » que cela ? Les chevaliers français ont été écrasés par les Anglais à Poitiers, le roi est prisonnier à Londres, Paris sous la coupe d’Étienne Marcel, prévôt des marchands. Les paysans ne supportent plus que ces nobles, qui ont fui devant les Anglais, les attaquent, eux, avec de nouvelles taxes. Ils s’en prennent à leurs châteaux et les pillent, mais l’histoire finira très mal, pour eux. Est-ce la « guerre des farines » de 1775, terrible conjonction de la libéralisation des prix voulue par Turgot et d’une très mauvaise récolte ? Le prix du pain explose, la famine sévit. Les nobles, fermiers généraux, le roi même, sont tenus responsables. Puis le contrôle des prix revient, le calme avec, car la troupe intervient. Pour certains, la Royauté commencerait à voir poindre le rouge phrygien ; pour d’autres, avec la disgrâce de Turgot, ce serait celle du libéralisme (déjà) ! De fait, mieux vaut ne pas taxer plus le pain (l’essence) quand le prix de la farine (le pétrole) monte pour des raisons de récolte (d’exploitation). Jaune enfin, comme celui du mouvement syndical de 1899, né au Creusot, qui voulait s’entendre avec les patrons ? Moins encore !

Vert alors ? Pas vraiment ! Les gilets verts sont assez d’accord pour financer la transition écologique, mais si c’est très graduel et si on les aide pour l’auto, la chaudière et la maison à calfeutrer. Bonjour le déficit budgétaire ! Pollueur payeur ? D’accord, mais plus lentement et plus aidés. Le mieux serait d’ailleurs que ce soit mondial : les prix de l’énergie montent partout, du fait des taxes. Théoriquement imparable, c’est le meilleur moyen pour que rien ne se passe. D’autres verts veulent qu’on ferme les centrales nucléaires, ce qui est le plus sûr moyen pour faire monter le prix de l’électricité (le solaire et l’éolien ne sauraient suffire), d’autant qu’ils veulent plus de voitures « propres », à l’électricité ! Ou brun, ce jaune, terrible mélange de vert et de rouge ?

Oui, ces gilets jaunes sont de toutes les couleurs. Oui, ils combinent un peu des verts et rouges extrêmes, plus une touche de noir, mais ils viennent surtout des campagnes qui souffrent de la dégradation de leur niveau de vie, les Jacques Bonhomme actuels, des villes moyennes, nos bourgs exposés aux métropoles, des ouvriers confrontés aux robots et aux échanges mondiaux, après les canuts lyonnais de 1831, et des jeunes au chômage.

Au-delà des excès et des récupérations, ce ou ces mouvements disent plusieurs réalités. Certaines renvoient au passé. Mais, avec l’accélération des techniques de production et d’échange, et plus encore avec les réseaux sociaux, tout est plus rapide, plus mêlé, plus dangereux si on n’écoute pas. « Ce » jaune est fluo pour qu’on ne dise pas qu’on ne l’a pas vu venir et qu’il suffirait de le gazer pour l’atténuer. Moins de jaune ? Plus de dialogue.