Donald Trump : « Moi Président, grâce à la post-vérité ! »

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 Donald Trump : « Moi Président, grâce à la post-vérité ! »

Illustration : DonkeyHotey (CC BY-SA 2.0).

 

La Newsletter (LN) : Bonjour Monsieur Trump, vous pensez gagner la présidentielle américaine ce 8 novembre ?

Donald Trump (DT) : Bien sûr que oui ! Je sais que la toute dernière enquête est un peu moins bonne pour moi. Mais, dans les autres, je tutoie Hillary Clinton. Je la dépasse même dans l’Ohio et la Floride.

LN : Mais il ne s’agit que de quelques enquêtes…

DT : Certes. Mais si vous regardez les pourcentages que me donne le site FiveThirtyEight, qui compile tous les sondages, j’ai actuellement 40% de chances de l’emporter contre Hillary, à 60%. N’oubliez pas que ce site est celui qui a le mieux prévu les élections de 2008 et 2012, Etat par Etat. N’oubliez pas non plus que j’avais 15% de chances de gagner il y a à peine un mois. Hillary s’effondre !

LN : Pourquoi ? A cause de ses erreurs ?

DT : Pas seulement. Bien sûr, elle ne dit pas la vérité. Pas la vérité sur ses emails confidentiels, pas la vérité sur sa Fondation et pas la vérité sur sa santé !

LN : Et vous, vous dites la vérité ?

DT : Moi, je dis la post-vérité.

LN : « Post-vérité » ? Qu’est-ce que c’est ?

DT : La post-vérité, c’est ce que viennent de découvrir les universitaires américains, me dit-on ! C’est la coqueluche des thèses et des livres qui sortent. Et c’est ce que je pratique depuis des années : la post-vérité, c’est partir de ce que les gens pensent. Ça ne m’intéresse pas de connaître les statistiques et la vérité « historique ». Regardez ce que j’ai fait avec Barack Obama. Ça fait des années que je conteste son lieu de naissance. Je viens de reconnaître qu’il est né aux Etats-Unis, mais j’ai semé le doute. Mieux encore, j’ai attribué à Barack et à Hillary la paternité de Daesh.

LN : Wow, comme vous dites : où et quand ?

DT : Le 11 août dernier. J’étais interviewé par Hugh Hewitt, pourtant un ami, et même lui ne m’a pas compris. Je lui affirme que Barack et Hillary sont les « fondateurs » de Daesh. Hugh est surpris et me demande si je parle de façon métaphorique. Non, pas du tout : « s’il avait fait les choses proprement, nous n’aurions pas eu Daesh ». C’est ça, la post-vérité. Pas forcément ce qui s’est passé, mais l’idée qu’on s’en fait.

LN : Il n’y a que vous à faire ça ?

DT : Oh non ! Regardez Newt Gingrich. C’est l’ancien Président de la Chambre des représentants américaine, quelqu’un de sérieux. Et bien, à CNN fin juillet, il est interviewé par une belle blonde sur l’évolution de la violence dans les villes américaines. Il lui dit qu’elle monte. Elle lui répond, statistiques du FBI à l’appui, qu’elle baisse. Ce à quoi Newt lui assène : « En tant que candidat, je vais avec ce que les gens ressentent et je vous laisse avec les théoriciens ». Elle est médusée, Newt a gagné. Pendant des jours, il va occuper l’espace médiatique. C’est ça, la post-vérité.

LN : Mais ça n’est pas de la démocratie !

DT : La démocratie, c’est le peuple qui dirige avec ses tripes, pas forcément avec des chiffres, des enquêtes et des rapports faits à Washington. C’est quand Washington comprendra que la politique doit partir de ça que nous dépenserons plus pour nous protéger, que nous regarderons de plus près nos accords commerciaux. Vous avez compris : la post-vérité, c’est que les gens ont peur et qu’il faut partir de cette peur.

LN : Mais c’est dangereux…

DT : Si vous avez peur des Etats-Unis, oui. Nous allons dépenser plus pour nous armer, pour nous protéger à l’intérieur et pour revoir nos relations avec les autres. Pour moi, ce qui importe, ce n’est pas une diplomatie alambiquée, mais des deals d’homme à homme, avec Poutine pour la Russie et avec Jinping pour la Chine.

LN : Mais le monde est plus compliqué que ça !

DT : La post-vérité, c’est la simplicité. D’ailleurs, ça marche partout. Vous avez vu le Brexit ? Vous avez vu les élections en Allemagne, les sondages en France ? Il ne s’agit pas de noyer les gens sous les livres et les programmes chiffrés. Ce qu’ils veulent, ce sont des chefs qui les protègent.

LN : Mais c’est du populisme, qui peut mal tourner.

DT : Pas du tout, contre la peur ici, il n’y a qu’une solution : faire peur aux autres. Je sais que vous, en Europe, vous aimez la théorie : on voit où ça vous mène… La post-vérité, c’est le langage de la force.

LN : Pas celui de la raison.

DT : La raison, c’est celle du plus fort !

LN : Alors, la post-vérité, c’est un mensonge pour prendre le pouvoir ?

DT : Non, c’est la vérité qu’il faut pour prendre le pouvoir !

LN : Wow !