Etre un bon extrémiste en 13 leçons

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 Etre un bon extrémiste en 13 leçons

1. D’abord, il y a une « demande d’extrémisme ». La France ne s’ennuie pas, comme en mars 1968 selon Pierre Viansson-Ponté dans Le Monde : elle ne sait plus où elle est. Il faut donc lui dire non qu’elle est perdue, surtout pas, mais qu’elle a été perdue, par une minorité qui la manipule. Cette minorité est autant une caste économique (les riches, le Medef) qu’idéologique (l’ENA, Bercy…) qui a passé des alliances avec des mouvements européens. Les migrations de capitaux, qui achètent les entreprises et vident les emplois, plus les migrations humaines, sous influence religieuse terroriste, menacent son identité. L’extrémiste, hors caste bien sûr, est là pour lui rappeler son identité et la renforcer.

2. Le bon extrémiste doit savoir attirer. Il écoute les problèmes et les confidences, recueille ces cas individuels qui feront mouche contre ces spécialistes de la caste qui parlent indices et indicateurs. Rien de tel que les cas de Jacques ou Jacqueline : l’extrémiste donne voix à celui qui souffre, le technicien ne parle que chiffre.

3. Prendre un axe : le bon extrémiste ne doit pas « tout » traiter. Il prend un axe et n’en change pas. Il défend le peuple contre Bruxelles. Bruxelles qui ouvre les vannes aux travailleurs et aux produits étrangers, qui écrase le petit employeur et le salarié sous les règles et les normes. Bruxelles qui s’insère dans les lois, qui surveille et sanctionne le budget national. L’extrémiste (de droite et de gauche) défend le peuple auquel on enlève sa souveraineté et qu’on oppose ainsi aux autres peuples.

4. Ne pas être obsédé par la vérité. Ce qui est vrai, c’est ce que les gens ressentent. Le pouvoir d’achat baisse, même si l’Insee dit qu’il accélère (de 0,8% au deuxième trimestre !). Le taux de chômage augmente, même si l’enquête faite sur le modèle du Bureau International du Travail dit qu’il a baissé à 9,5%. Et, bien sûr, l’euro nous étrangle, même si sa valeur pondérée a baissé de 1,5% de janvier 1999, sa naissance, à aujourd’hui. Mais qui se soucie de cet « indice pondéré » ! Et nul n’a lu les Ordonnances, on peut y aller !

5. Simplifier : l’important c’est le slogan, l’accroche, le tweet, le mot qui frappe. Le lecteur est attiré par le titre, gagné par l’incipit et lira un paragraphe. A la télévision ou à la radio, couper l’interlocuteur dans sa (longue) analyse, ça le déstabilise, puis asséner votre phrase fétiche, en le mettant à sa place, de caste ! Attention : il ne sert à rien de s’opposer entre extrémistes des deux bords, inutile spectacle.

6. Exagérer : le bon extrémiste ne peut être modéré. Il n’est pas au milieu, siège prétendu de la vertu, en fait de l’immobilisme. Il doit parler vite et surtout fort, ne pas se laisser démonter, continuer, redoubler.

7. Attaquer, toujours : jamais sur la défensive, dans l’explication compliquée, les tendances et contre tendances.

8. Trouver des repères et inventer des formules : cravate rouge, boutonnière bleue, anaphores, mots anciens (« la chienlit » gaullienne). Faire un peu dans le recherché, la citation (latine), le peuple sera flatté.

9. Ne jamais offrir de vision d’ensemble, encore moins chiffrée. Quand on veut changer, on n’entre pas dans ces détails. « Le travail doit être mieux payé », sans se soucier de compétitivité, de déficits extérieur ou budgétaire. Les cadrages macroéconomiques sont les armes des autres. Le bon extrémiste n’y est pas à l’aise : leur laisser, pour les critiquer.

10. Peser par les sondages : oublier son poids en Députés et Sénateurs, ne parler que du nombre de ses votes et, surtout, des sondages. Il faut dramatiser les changements sociaux en cours, sans jamais parler nouvelles technologies ou nouveaux comportements des consommateurs qui changent la donne. Les startupeurs riches doivent être taxés. Les autoentrepreneurs prouvent la précarité, pas la nouveauté.

11. Critiquer les « solutions » :  Paul n’est pas mieux habillé parce qu’on a déshabillé Pierre ! Les deux voient leur situation empirer.

12. Se plaindre : manque de moyens, de  temps de parole à l’Assemblée, médias et commentateurs hostiles. Faites vos médias et votre télé, améliorez votre site avec vos réseaux sociaux.

13. Se corriger. C’est difficile : Marine Le Pen se remet mal de son oral à la présidentielle. Jean-Luc Mélenchon s’est emporté contre les communistes et ce n’est pas « la rue » qui a gagné contre les Nazis. Le bon extrémiste doit le rester, autrement dit… il ne faut pas trop qu’il cherche à prendre le pouvoir !