La France quitte l’euro : les risques d’une « dévaluation annoncée »

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Une première historique : deux importants candidats à la présidentielle française annoncent une baisse de la monnaie nationale dans les trois ans à venir ! Une annonce qui va, au mieux, neutraliser ce qu’ils proposent, et qui pourrait, plutôt, détériorer la situation. Pourquoi faut-il le secret face à une dévaluation ? Pourquoi ne pas l’avoir gardé ?

 La France quitte l’euro : les risques d’une « dévaluation annoncée »

Pourquoi le secret ? Parce que toute dévaluation agit par surprise. Surprise, pour gagner brutalement en compétitivité à l’exportation sans réactions adverses (économiques et politiques) des pays avec lesquels la France commerce, notamment européens. Surprise, pour empêcher les Français de protéger leur épargne en la transformant en monnaie étrangère. Surprise, plus encore, pour que les marchés financiers ne spéculent pas contre l’économie nationale, aggravant la situation. Surprise : c’est le B A BA du succès. Mais rien de cela aujourd’hui. C’est une baisse de 15% environ du « nouveau nouveau Franc » qui est annoncée par des candidats qui veulent, sous certaines conditions, quitter la zone euro. D’où quatre questions : qui sont-ils, pourquoi trois ans, pourquoi 15% et que va-t-il se passer ?

Qui demande à sortir de l’euro ? Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon surtout. Selon les sondages, 46% des Français veulent voter pour eux. Est-ce qu’ils veulent quitter l’euro ? A voir. N’empêche, c’est ce que donne l’addition des intentions de votes (Paris Match) en faveur de Marine Le Pen (24%), de Jean-Luc Mélenchon (18,5%), plus Nicolas Dupont-Aignan (3,5%). En face, si on peut dire, Emmanuel Macron (23% des intentions) souhaite certains aménagements à l’organisation européenne, François Fillon (19%) des améliorations profondes et Benoît Hamon (à 8,5%) une quasi-réécriture. Personne n’est content de qui se passe avec l’euro et l’Europe.

Pourquoi attendre pour sortir ? D’abord parce qu’il faut qu’un de ces trois candidats soit élu, sachant qu’aucun n’envisage de sortie immédiate de l’euro. Les Français n’y sont pas majoritairement favorables. Il s’agit ainsi, pour Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, d’ouvrir une « franche » discussion avec les autres membres de la zone euro et la Commission européenne pour aménager les règles actuelles. Ceci conduirait à un « constat », ne disons pas « accord ». Il serait présenté aux Français dans un référendum pour savoir s’ils y sont, ou non, favorables. Si c’est non, la sortie de la zone s’annonce.

Pourquoi trois ans ? Parce qu’on peut compter six mois (au moins) de discussions au sein de la zone euro, plus six mois (au moins) pour lancer le référendum, puis deux ans (au moins) pour gérer les modalités de sortie de la France de la zone euro, comme on le voit avec le Brexit.

Pourquoi 15% ? Parce que des travaux techniques estiment que, compte tenu de la faible compétitivité coût de la France, l’euro est trop fort de 7%. Ensuite, parce que toute dévaluation doit aller au-delà de ce rattrapage pour « prendre de l’avance », sans pour autant déclencher de guerre des changes. Il ne s’agit pas de rendre insupportables les rapports économiques, sociaux et politiques au sein de la nouvelle zone euro, au risque de la faire exploser. Ce serait un très mauvais calcul.

Que va-t-il se passer – Phase I : que vont faire les Français et les marchés financiers ? On peut penser qu’ils vont chercher à se protéger de cette « dévaluation annoncée ». Ils pourraient sortir des placements en euro et des placements qu’ils jugent trop exposés à la France. Les solutions abondent : billets (euros, dollars…), or (pièces, lingots), comptes en devises (conversion des avoirs et liquidités jugés excédentaires en dollars ou francs suisses), bons du trésor américain, actions américaines ou grandes valeurs mondiales (Apple, Facebook). Quant aux marchés financiers, ils vont plus encore anticiper : les taux d’intérêt sur la dette française vont beaucoup monter, la bourse de Paris baisser.

Que va-t-il se passer – Phase II : que devient le financement de la dette publique, si les détenteurs de titres les vendent ? Que deviennent les banques, si les Français soldent PEL et Livrets A, et la bourse, s’ils n’achètent qu’Apple ? Pire, comment rembourser les soins et faire fonctionner les hôpitaux, payer la police et l’armée si l’argent n’est plus là ?

Alors, que feront les nouveaux élus ? Ils devront agir pour éviter le chaos : interdire, bloquer les capitaux, réquisitionner la Banque de France… Mais ça, c’est secret !