La France va-t-elle rater l'imperdable reprise mondiale ?

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C'est toute la question. L’économie mondiale va partout mieux, la politique mondiale partout plus mal. Qui va l’emporter ? L’économie va mieux aux-Etats-Unis bien sûr, mais aussi en zone euro et dans les pays émergents, Chine en tête. La politique mondiale va plus mal, regardons le Brexit ou Donald Trump. Cette politique craint l’avenir. Elle envisage de rebrousser chemin, de réécrire les accords et traités qui ont fait soixante-dix ans de croissance pacifique. Elle mobilise les forces armées.

 La France va-t-elle rater l'imperdable reprise mondiale ?

Aujourd’hui, deux cycles mondiaux se croisent : un cycle économique qui voit le bout du tunnel, un cycle politique qui se désespère et s’inquiète pour la sortie. Le cycle économique annonce une reprise, sept ans après la plus Grande récession depuis l’Après-guerre. L’avancée est complexe, encore modeste, mais conjointe.

Le cycle politique, dans les pays industrialisés, est celui du populisme, du retour en arrière. Aux Etats-Unis avec Donald Trump, au Royaume-Uni avec le Brexit, en France avec Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, sans oublier Italie, Pays-Bas ou Allemagne, partout monte la critique des choix qui ont forgé ces cinquante dernières années – le fameux « consensus de Washington ». Désormais, on admet à peine qu’ouverture, concurrence, accords internationaux… ont permis plus de croissance mondiale et la sortie de la Chine de la misère. Mais on ajoute aussitôt que ceci s’est payé par de vastes restructurations industrielles, plus de chômage, des drames écologiques et une montée des écarts de revenus et de patrimoine – sans oublier la perte de racines nationales. Pas faux, manque l’essentiel.

Au moment où le cycle économique et financier répare ses excès et annonce un monde nouveau, plus communicant et ouvert, le cycle politique veut rebâtir l’ancien en passant par ses deux extrêmes, gauche et droite. Il sera plus étriqué et méfiant. L’économie déglutit la révolution de la communication, la politique veut la contre-révolution : moins d’ouvertures et d’échanges.

Economie contre politique, c’est aujourd’hui chez nous. Il ne s’agit donc pas de scruter le premier tour de la Présidentielle pour savoir comment la droite aurait laissé échapper son « imperdable victoire », mais de voir où nous allons. Rater les chamboulements en cours, en économie et en politique, c’est pire qu’un « séisme électoral » : c’est prendre le risque de rater la solution historique à nos difficultés économiques et sociales, en France et en Europe. Cette fois, il n’est pas sûr que le pays s’en relèvera aisément.

Florange hier, Whirpool aujourd’hui : notre monde change en économie. Mais pas en politique, qui accuse un retard croissant. Au lieu de préparer à ce monde qui va mieux, mais qui change, à une reprise qui pointe en France, mais qui est nouvelle, elle propose de freiner le mouvement. Fessenheim sera fermé… par les autres, Notre Dame des Landes construit… par les autres, les 3 milliards à La Guyane payés… par les autres. L’idée ? Pourrir la suite.

D’où la question : nos divisions politiques actuelles vont-elles nous faire rater la reprise qui frappe à toutes les portes ? Une question d’autant plus sérieuse que l’écart est ici très important entre nos modestes résultats en termes de croissance, d’emploi ou d’investissement et nos belles intentions de production, d’embauche ou encore d’investissement. En France plus qu’ailleurs, la reprise est dans les têtes. Le succès économique n’est donc certain que si le pays se dote d’une majorité législative qui permettra rapidement les simplifications administratives et les baisses d’impôts promises, tout en renforçant le débat social pour mieux préparer et accepter des changements, toujours repoussés. Le populisme, de droite ou de gauche, est un conservatisme qui peut mal tourner, en économie et en politique.

La politique a ses lois, plus complexes et surprenantes que l’économie – surtout aujourd’hui. L’économie fonctionne toujours au risque, à l’efficacité, à la concurrence, et aujourd’hui plus encore à la formation et à l’effort dans la durée. C’est cette durée qui fait la différence, à condition bien sûr de ne pas se tromper.

L’alignement des grandes économies dans la reprise est là. Il a son danger : l’excès d’optimisme, et son risque : celui de prendre la porte du saloon, si on attend trop. En France, ce retard pourrait rendre les groupes extrêmes plus nombreux et plus extrêmes encore. La politique nous ferait alors perdre l’imperdable – nous inclus.