Idiots utiles, chefs imprévisibles… guerre ?

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Etrange monde que le nôtre ! Voilà soixante-dix ans que nous sommes en paix, plus exactement : sans conflit majeur, et pas par hasard. Des idiots utiles, de fausses nouvelles et des acteurs imprévisibles peuvent-ils détruire cet édifice ?

 Idiots utiles, chefs imprévisibles… guerre ?

Paix : les guerres sont partout, mais sans atteindre le niveau d’une conflagration mondiale. La guerre a été « froide » pendant des années, avec des conflits périphériques (Corée, Vietnam). Aujourd’hui, des guerres ramifiées peuvent s’étendre, avec les islamistes radicaux. Mais tous les pays veulent l’empêcher : le risque Daesh semble circonscrit. Un autre peut-il naître ailleurs, différent ?

Idiot utile : le mot est attribué à Lénine et on trouve l’idée chez Marx. L’idiot utile, c’est Walter Duranty, journaliste au New York Times qui écrit à ses lecteurs à propos de la Russie « qu’il n’y a pas de famine ou de disette véritable, et qu’il n’est pas vraisemblable qu’il y en ait »… en 1930 ! C’est Sartre, de retour de Russie, qui dit le 15 juillet 1954 : « La liberté de critique est totale en URSS et le citoyen soviétique améliore sans cesse sa condition au sein d’une société en progression continuelle ». Pour ne pas « désespérer Billancourt » ? L’« idiot utile » qualifie ces intellectuels, gauchistes, ou les deux, qui ne voient que ce qu’ils veulent voir.

Idiots utiles : on retrouve le mot, employé cette fois par les néoconservateurs américains contre les liberals. Ces « gauchistes » sont manipulés cette fois par l’establishment américain contre les valeurs américaines. Nous voilà entourés d’idiots utiles. Puis de fake news, bien plus efficaces. Nous ne sommes plus trompés par des « autorités », mais égarés.

Imprévisible : c’est Kim Jung-un en Corée du Nord, qui semble échapper au contrôle de ses amis chinois. Si « l’idiot utile » devient ingérable, il n’est plus utile ! La Corée du Nord pousse ainsi la Corée du Sud à s’équiper d’armes américaines qui inquiètent la Chine et la région (Japon, Malaisie).

Imprévisibles : Trump arrive. Kim presse des boutons pour envoyer des missiles, Donald tweete. L’« idiot utile » était un appui inconscient à un camp. L’imprévisible, lui, doit être circonscrit à temps, car il pousse au précipice. Et là, ils sont deux !

Un « jeu de poules mouillées » naît alors. On se souvient de cette scène mythique de la Fureur de vivre, où James Dean s’oppose au chef du clan dans une course à l’abîme, chacun dans sa voiture. Celui qui saute le premier a perdu, c’est la « poule mouillée ». Celui qui attend une seconde de plus a gagné, sauf si c’est trop tard ! Et que dire quand les voitures vont l’une contre l’autre ? Notre monde regarde ce jeu de poules mouillées entre deux acteurs de tailles très différentes, le leader coréen essayant d’entraîner la Chine avec lui.

Ce n’est pas un remake de la crise des missiles de Cuba, Castro- Khrouchtchev-Kennedy. Car s’il y avait à l’époque trois joueurs, aucun n’était imprévisible. C’était un jeu de poules mouillées… rationnelles, avec des pressions en tous sens et l’idée que le perdant (Russe) devait s’arrêter assez tôt. Depuis, grâce à Thomas Schelling (prix Nobel d’économie et conseiller de JF Kennedy), est installé le « téléphone rouge » pour éviter ces escalades et le risque de « perte de face ».

Où allons-nous aujourd’hui ? Le jeu actuel est non probabilisable et largement irrationnel. Il ne peut cesser sans drame que si le petit cède, sous pressions du grand frère chinois. La Chine devient alors « le grand frère », sachant que l’imprévisible américain devra s’engager alors à ne pas le traiter de poule mouillée, ce qui serait faux et catastrophique. Il faut donc que la Chine intervienne et… gagne à ce jeu, au moins un peu. Il ne faut pas que l’ingérable coréen devienne un « idiot utile aux Etats-Unis » ou un « idiot utile aux chinois » !

Déjà, la Chine réduit ses importations de charbon nord-coréen et se fait critiquer par la presse de Pyongyang. Mais il lui faudra aller plus loin, jusqu’où ? En compensation, les Etats-Unis devront répéter qu’il n’y a qu’une Chine et « préciser » leur position sur la mer de Chine : deux reculades. La Chine connaît son Sun Tzu par cœur : « La guerre est semblable au feu, lorsqu’elle se prolonge elle met en péril ceux qui l’ont provoquée ». Ni poules mouillées, ni coqs, les Etats-Unis doivent réparer leurs erreurs et sauver leur face, avec l’aide d’une Chine qui sortira garante de la paix. Et Xi Jinping est invité chez Trump, dans sa maison de week-end.