La guerre d’Ukraine n’aura pas lieu

- Ecrit par

La guerre d’Ukraine n’aura pas lieu car il n’y a aucune raison de mettre le monde en crise pour une telle question. Tout doit pouvoir se régler entre gens raisonnables. Mais que veulent donc les dieux et que font donc les hommes ?

 La guerre d’Ukraine n’aura pas lieu

La Crimée, c’est 2,2 millions de personnes dont les trois quarts sont russes. C’est un très ancien territoire de la Russie puis de l’Union soviétique. Il est rattaché à l’Ukraine en 1954 par Nikita Khrouchtchev pour apaiser les Ukrainiens suite aux massacres de Staline. Beaucoup d’eau a coulé depuis : l’URSS a explosé, l’Ukraine est devenue indépendante et a discuté avec l’Union européenne. Mais on ne peut pas dire qu’elle a connu le succès économique, à la différence de la Pologne. Tout y est très fragile.

L’Ukraine connaît actuellement une baisse très forte de sa monnaie, officiellement 10 % depuis le début de l’année. Ses réserves fondent pour atteindre 15 milliards de dollars, soit 2 mois d’importations. Le taux facial de sa dette souveraine atteint 12 %, autant dire que les détenteurs de titres publics ukrainiens s’en défont à n’importe quel prix. On sait comment ce type d’histoire continue : très mal. Une intervention du FMI et de l’Union européenne est indispensable dans les meilleurs délais.

La Russie vit un net ralentissement de sa croissance avec cette crise. C’est 1 % au plus contre 4 % il y a quelques années encore, avec une inflation qui va vers 7 %. C’est au mieux la stagflation, sauf si la situation se détériore encore avec un rouble davantage sous pression, un solde courant qui devient négatif et des réserves de change qui baissent fortement.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là car la Russie est un important fournisseur d’énergie pour l’Europe, avec des gazoducs qui passent en Ukraine. Et si la Russie réduit ses livraisons à l’Ukraine ? Et si l’alimentation énergétique de l’Europe devient plus problématique et plus chère ?

BRICS ou BRRRRRR ? Les autres BRICS ne vont pas mieux. La Chine inquiète avec sa décision toute politique d’organiser un défaut sur la dette de deux entreprises privées, pour annoncer qu’elle va purger ses excès d’endettement. Moins de croissance est à la clef, plutôt vers 6 %. Le Brésil ralentit autour de 2 %, avec un solde courant en déficit de 4 % du PIB. L’Inde suit la même trajectoire, avec une croissance à 4 % contre 8 % il y a quelques années et un déficit de solde courant de 5 % du PIB. Et l’Afrique du Sud connaît un fort ralentissement (vers 2 %) avec un déficit des comptes courants à 7 % du PIB.

C’est alors que les Etats-Unis annoncent une remontée des taux en 2015. Même si Janet Yellen, la Présidente de la Fed, indique qu’elle prendra son temps et étudiera le taux de chômage de longue durée, elle répond aux sénateurs que 2015 sera l’année de la première montée des taux courts. On s’en doutait bien sûr, maintenant on sait. Les fragilités des BRICS en sont ravivées. Les interrogations qui pèsent sur la Turquie et l’Indonésie, très dépendantes de financements extérieurs, en sont plus fortes.

La zone euro avance peu à peu mais elle n’est pas sortie de l’auberge, ni au sud, ni en Allemagne. La politique de la BCE consiste à soutenir la reprise au sud avec des taux d’intérêt réels qui diminuent. Mais le taux d’endettement grec ou italien n’est toujours pas supportable. Il est donc indispensable de continuer dans la voie Draghi d’apaisement et de réformes dans ces pays.

Et que fait l’Allemagne avec sa croissance forte liée à l’exportation et son inflation à 1 % seulement, alors qu’elle se dit au bord de la surchauffe ? Son taux de chômage atteint 5 % et elle envisage un excédent budgétaire en 2015. Elle ne participe pas beaucoup à la reprise d’ensemble, moins encore à la reflation indispensable de la zone euro. Pourquoi ? Et que va-t-il se passer si les tensions montent avec la Russie, dont elle est si dépendante pour l’énergie ?

La France surfe sur cette vague de reprise lente qui devient de plus en plus fragile. Elle a évité une bonne part de la crise antérieure et pense éviter les tensions qui viennent. Elle en paye le prix : plus de chômage, moins de croissance, plus de déficit extérieur, plus de déficit budgétaire et de dette. Mais elle ne se soigne pas. Après les municipales, nos dirigeants vont parler, étant tenus de présenter leurs comptes mi-avril au Parlement avant de les envoyer à Bruxelles en fin de mois. Nous saurons enfin, mais on se doute qu’il y a aura des modérations salariales dans le privé et des coupes dans le public.

Bien sûr, comme la guerre d’Ukraine n’aura pas lieu, on peut toujours continuer. Continuer à consommer plus, à ne pas investir assez en recherche et en innovation, à critiquer Bruxelles et la BCE, et continuer aussi à réduire nos dépenses militaires. Et si, pour que la guerre n’ait vraiment pas lieu, il fallait faire l’inverse ?