La patate chaude de la crise française

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Qui va donc la prendre, cette patate ? La gauche - qui va faire enfin les réformes ? La droite - dans trois ans ou plus tôt, si le régime saute ?

 La patate chaude de la crise française

D’abord, cette patate a tout pour devenir de plus en plus chaude, et pourtant elle ne le devient pas. Il y a cette croissance molle, vers 0,7 % cette année, à peine un peu plus ensuite – mais pas assez. Il y a ce chômage qui inquiète tout le monde, jeunes et seniors en premier lieu et qui mine la croissance de demain. Il y a ces impôts qui ne rentrent plus et ces dépenses publiques qui n’arrivent pas à baisser. Il y a ces promesses faites à Bruxelles et qui sont régulièrement démenties. Il y a ces engagements, ce « Choc de simplification » et ce « Pacte de Responsabilité » qui vont dans un même (bon) sens : soutenir la croissance. Mais il a aussi ces Gestes sur les « bas salaires », les « petites payes » des fonctionnaires ou les « petites retraites », pour que les députés socialistes votent, et qui vont dans un autre. Qui donc s’y retrouve, à la fin ? Au fond rien ne va vraiment mieux. Tout le monde s’impatiente et s’énerve. Le climat social se tend, le climat des affaires baisse. Les grèves viennent… et pourtant rien ne bouge dans l’économie et la finance.

En d’autres temps, le franc aurait chuté, les taux d’intérêt sur la dette française auraient explosé. Alors les politiques auraient bien dû réagir. Les Français auraient alors eu peur et vu le danger. Mais le Franc n’est plus, remplacé par un euro solide. Mais la France s’endette (à 1,6 % à 10 ans !), un peu plus cher que l’Allemagne (1,2 %) certes, mais moins que les Etats-Unis (2,5 %) ! Alors les dérives continuent. Les réformes sont annoncées et pas faites, entre le Premier ministre dans un sens et le Ministre des finances dans l’autre, le tout pour faire accepter une « rigueur » qui n’existe pas vraiment.

Nos anciens signaux de crise ne marchent plus. Notre monde a deux grandes monnaies, le dollar et l’euro, mais les Etats-Unis font plus que nous pour faire baisser la leur. C’est donc la nôtre qui monte. La liquidité mondiale est partout, venant surtout des Etats-Unis. Pour se placer, elle cherche des endroits sûrs et non inflationnistes, ici. De l’extérieur, la France est vue comme protégée par l’Allemagne, avec une inflation qui est la moitié de celle des États-Unis, et soutenue par la Chine. D’ailleurs, plus de la moitié de notre financement vient d’Asie, Chine d’abord.

Que disent donc les « vrais » signaux de la crise ? Ils sont graves, mais sans effet. L’emploi des jeunes se détériore, comme celui des seniors. L’investissement des entreprises baisse. Les investissements étrangers qui achètent les vieilles entreprises et surtout le blé en herbe de nos PME et start ups montent comme jamais. Les départs des riches et des jeunes créateurs explosent. Mais aucun signe ne montre assez que cette patate devient plus chaude !

Alors : faut-il attendre l’extrême-gauche, Marine, la crise des finances publiques et la venue du FMI pour que la patate devienne tellement chaude qu’elle explose ? Faudra-t-il attendre que la gauche transforme l’essai (après un mauvais début) et soit réélue pour qu’elle change vraiment ? Faudra-t-il attendre que monte la crainte de l’extrême droite aux prochaines présidentielles pour mener de plus larges alliances ? Attendre la droite ? Attendre que Bruxelles nous critique de plus en plus vertement ? Attendre que les investisseurs s’inquiètent ? Attendre que le FMI nous envoie des messages de plus en plus forts, avant de venir s’installer à Bercy ?

La France a une stratégie de patate chaude qui la met en danger, car cette patate tarde à chauffer. Plus tard, ce sera beaucoup plus « chaud », autrement dit beaucoup plus risqué. Voilà des années que la France joue « à la deuxième économie de la zone euro », nécessaire à l’équilibre d’ensemble à côté de l’Allemagne, et qu’elle en abuse. Alors elle s’affaiblit, mais sans en souffrir. L’Allemagne s’en inquiète (officiellement) et en profite (en fait), jusqu’à chercher un allié de substitution. Lequel ? Facile : le Traité de Rome a été signé en Italie ! La patate sera « officiellement » très chaude en France quand l’Italie voudra prendre notre place en zone euro. Faut-il le souhaiter ?