Lettre secrète de Xi Jinping à Poutine

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 Lettre secrète de Xi Jinping à Poutine

 

De Pékin

 

Cher Vladimir Vladimirovitch !

 

Anciens prolétaires de tous les pays, unissons-nous ! Je vois le taux de change de ton rouble : 60 et plus pour un dollar (35 en début 2014 !), et tes taux d’intérêt à court terme : 17 % pour 8 % d’inflation. Décidément, les marchés financiers ne te ratent pas, et ceux qui les agitent veulent sinon ta peau, du moins que tu perdes la face.

Parlons direct : je crois que tu as fait ton deuil de cette URSS où tu es né, mais que tu ne te résous pas au départ de l’Ukraine, berceau de l’âme et de la religion russe. Donc tu te dis que tu vas leur faire une vie impossible, aux Ukrainiens. La Crimée, c’est fait. Le Donbass, pratiquement aussi, mais fais attention car il s’agit là d’une très grosse Lorraine française. Avec tout ce que ça coûte.

Mais le pire est devant toi, avec ce qui reste d’Ukraine qui veut se rapprocher de l’Union européenne et entrer dans l’OTAN. Tu as dit que c’était « inacceptable ». Mais qu’est-ce que tu peux faire s’ils y arrivent peu à peu, dans l’état où tu es ? Couper le gaz aux Ukrainiens (c’est désormais impossible pour les Européens) et voir ton économie plonger davantage, sous de nouvelles sanctions ? Attention aux risques que tu prends. Car si tu pars, « chassé par les urnes » (je ne sais ce que c’est exactement), ton successeur pourrait être un Gorbatchev nouveau ou un revenu de Londres ou Genève, un Khodorkovski par exemple… D’après moi, américains et européens préparent ta succession. En tout cas, c’est comme ça qu’on fait chez moi.

Ce que je te propose c’est de calmer ce jeu, de stabiliser ta partie européenne en la rendant plus pénible aux autres qu’à toi, et d’aller voir ailleurs. Laisse donc les pauvres européens subventionner les Ukrainiens et leurs milliardaires. Comme disait de Gaulle, la Russie est européenne jusqu’à l’Oural ! Elle est donc asiatique après. C’est là que nous nous rencontrons !

Rejoins les pays que je fédère autour de l’AIIB (Asian infrastructure Investment Bank) depuis le 24 octobre de cette année. Une perle. Elle réunit 21 pays de la région, mais pas le Japon, pas l’Australie, pas la Corée du Sud et pas l’Indonésie… Bien sûr ces pays restent invités, mais « on » a dû leur téléphoner. Bien sûr le FMI et la Banque mondiale « apprécient » mon initiative… pour autant qu’elle soit « transparente » comme ils disent, « entre dans les objectifs d’infrastructures du G20 » et soit « complémentaire et non concurrente de l’Asian Development Bank », présidée par le japonais Takehido Nakao ! Je cite. En même temps, depuis des mois maintenant, notre banque des BRICS avance. Elle est à Shanghai, tu le sais. J’ai ainsi deux fers au feu : région Asie et BRICS et tu es dans la région, un peu moins que moi, et BRICS, un peu moins que moi.

Mais l’essentiel est plus profond. Nous avons d’abord un ennemi commun, ce qui ne nous rajeunit pas, les Etats-Unis. J’ai un ennemi local, le Japon, que j’aurai à l’usure. Nous avons ensuite l’Europe, à qui tu vends de l’énergie et que moi j’achète peu à peu, en passant par la France. Et j’ai une cible secondaire : l’Afrique.

Voilà ce que je te propose. D’abord renforçons nos accords énergétiques. J’ai signé avec toi un accord bien payé sur cinquante ans. Faisons plus : tu auras des ressources financières régulières et moi de l’énergie sûre. Ensuite, engageons davantage nos capacités d’analyse et d’intelligence (comme on disait au KGB). Faisons des exercices militaires communs. Intégrons plus nos forces.

Tu es européo-asiate d’abord, mondial ensuite. Je suis asiate et mondial. Ne prends pas ombrage de ce parler vrai. C’est « l’analyse concrète d’une situation concrète », comme disait l’autre Vladimir ! C’est surtout l’idée de Sun Tzu, celle du Shi, de l’engagement de forces multiples, parfois anodines, pour bien connaître le terrain, espionner (« Une armée sans agents secrets est exactement comme un homme sans yeux ni oreilles »), bien préparer, avoir des alliés sinon des amis. C’est « aller avec le flux », comme on dit dans le Tao. Tao, pas Mao !

Avoir un gros ennemi commun, les Etats-Unis, et un sous-ennemi commun qui est ton gros client et le terrain de chasse où je voudrais prendre de belles richesses (toujours Sun Tzu !), l’Europe, nous oblige à avancer tranquillement, indirectement, pour diviser. Calme-toi donc ! « Attaquez le plan de l’adversaire au moment où il naît. Puis rompez ses alliances. Puis attaquez son armée. La pire des politiques consiste à attaquer les cités ». Tu auras reconnu ma (vieille) source.

J’attends ta réaction.

 

Xi