L’Europe doit être détruite

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Vous êtes fou ! Non : en latin, on pourrait dire : Europa delenda est, en souvenir du Carthago delenda est, Carthage doit être détruite, de Caton l’ancien. Ces trois mots achevaient tous ses discours, plus d’un siècle avant JC. A l’époque, Carthage, tout près de Tunis, était la concurrente de Rome. Une série de guerres avaient opposé ces deux villes pour le contrôle de la Méditerranée. Elles avaient duré jusqu’à ce que les Romains prennent et détruisent Carthage, puis vendent ses habitants comme esclaves.

 L’Europe doit être détruite

Est-ce que l’Europe est à détruire ? Officiellement non, bien sûr. Et pourtant, quelle tentation ! C’est, si on ajoute les PIB, la première économie du monde, un peu devant les Etats-Unis. Mais Addition européenne n’est pas Union européenne s’il s’agit de résister aux chocs externes et internes, comme aujourd’hui.

Le Brexit est le premier choc interne. On s’acharne sur les explications. Ce seraient des Anglais de province, retraités et effrayés par les « migrants » installés à Londres, dans un pays en plein emploi, qui auraient voté. On continue à disserter sur un Brexit dur (hard) ou mou (soft). Mais l’essentiel est ailleurs. Il est dans l’opposition entre un Royaume, qui veut à tout prix rester Uni, et une Union, qui ne l’est pas assez. Le risque de conflit entre ces deux unions, la vieille et la neuve, n’est pas vu.

Suit l’élection de Donald Trump. On s’acharne sur les explications. Ce seraient de pauvres blancs, retraités, peu éduqués et effrayés par les latinos. On commence à en mesurer les effets ici. Donald Trump entend soutenir le Brexit pour des raisons idéologiques. Make the United Kingdom Great Again aurait pu être un slogan écrit par lui ! En revanche, Donald Trump ne voit pas les risques en chaîne de sa démarche : si l’Union européenne faiblit au risque d’éclater, le Royaume-Uni n’y gagne pas. Les capitaux chinois vont en profiter. S’il se met à discuter avec Poutine, l’Union va inquiéter, plus encore les marchés financiers, les taux longs monter encore, la timide reprise se retourner.

Et voilà qu’en Bulgarie, le 13 novembre, Roumen Radev est élu Président. Il est opposé aux sanctions contre la Russie et le Premier ministre, Boïko Borissov, pro-européen, démissionne. Ce même jour, le pro-russe Igor Dodon est élu Président en Moldavie, meilleure élève de la région selon Bruxelles ! Et le 4 décembre, l’Italie organise un référendum (où Mateo Renzi joue son poste) et l’Autriche (ré-)élit son Président (vert contre extrême-droite).

Souvenons-nous que l’Europe sanctionne la Russie depuis son annexion de la Crimée, ce qui l’handicape. La baisse du prix du pétrole n’aide pas. La Russie veut regagner en influence dans l’ancienne URSS, renforcer son emprise en Crimée et affaiblir l’Ukraine, plus se rapprocher de la Turquie en intervenant en Syrie. Les nationalistes Russes sont clairs : « l’Europe est un poulailler (attendant) de futurs jeunes coqs » dit Léonid Sloutzky. Il est coordinateur des députés russes avec le parlement français et responsable à la Douma de « l’intégration eurasiatique ». Cette intégration qui entend réunir Europe et Asie en passant par la Turquie et l’Iran. Sa philosophie se veut multilatérale, le strict opposé de la logique supranationale de l’Union européenne. La Chine y joue un rôle essentiel, avec son double projet de joindre Asie et Europe (Berlin pour être précis) en passant par terre, avec une voie ferrée, et par mer, ce qui explique ses actions en mer de Chine.

On peut rire de Trump, sauf s’il croit faire de meilleurs deals avec la Chine et la menace de monter de 45 % ses droits de douane et d’empêcher ce qu’il nomme sa « manipulation du Yuan ». La réponse chinoise est prête : le Yuan baisse déjà, la Chine vendra des obligations américaines. Une guerre des droits de douane devient une guerre financière entre les deux premières économies du monde. Le ralentissement mondial est à la clef, le prix du pétrole s’effondre. Les conseillers bancaires et financiers du Président Trump auront vite fait de voir les effets catastrophiques de cette politique et la freineront. Croisons les doigts.

Mais quand même, Etats-Unis, Royaume-Uni et France, les trois puissances nucléaires démocratiques, sont déjà plus faibles, face à de telles idées. Sans combattre ! L’Union européenne doit réfléchir plus, la zone euro ne pas seulement regarder l’inflation et la France suivre les Primaires. L’Europe peut être détruite faute de courage et de vision, car les deux vont ensemble.