Nicolas Sarkozy sur le divan du Docteur Freud

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 Nicolas Sarkozy sur le divan du Docteur Freud

 

Vienne, deux heures du matin. Quelqu’un frappe à la porte.

 

Nicolas Sarkozy

Docteur, je viens ici à la suite de demandes pressantes de mes amis. Mais autant vous le dire, je crois peu à vos solutions et propositions. L’homme aime le pouvoir, point. Et je suis homme.

 

Docteur Freud
Bonsoir Président, je vois. Allongez-vous et dites-moi ce qui vous amène d’autre que dire que vous ne croyez pas à mes analyses ?

 

Nicolas Sarkozy

Merci, mais je fais comme je l’entends. La politique seule m’excite. C’est une drogue que j’ai voulu quitter mais je n’ai pu trouver d’équivalent ailleurs, notamment en parlant à ces patrons béats, sauf des revenus bien sûr. Donc je reviens à la charge pour gagner, en fait pour me venger de ce mou et des nuls qui l’entourent. Pour montrer aussi à ces Français qu’ils se sont plus trompés encore qu’ils n’ont été trompés par cette gauche sans idées et ce centre sans poids.

Docteur Freud
La vengeance est mauvaise conseillère. C’est un échec qu’on ne veut assumer et qu’on attribue à l’autre. C’est notre part maudite. Il faut tourner la page et avancer, autrement c’est l’instinct de mort qui gagne – et vous qui perdez.

 

Nicolas Sarkozy

Je ne suis pas ici pour recevoir des leçons ! Déjà je regrette d’être venu, de m’être allongé sur ce canapé ridicule et ces tapis pourris, avec vous derrière. Vous croyez que je ne vois pas votre jeu !

 

Docteur Freud
Je ne suis pas ennemi, mais analyste. Je ne juge pas, mais cherche à comprendre. Si vous vous présentez aux primaires de votre parti, autrement dit si vous échouez à les faire annuler, ce ne peut être l’esprit de revanche seul qui vous anime – si vous entendez gagner bien sûr. Méfiez-vous de Thanatos, je ne vous dis rien d’Eros.

 

Nicolas Sarkozy

Et nous y voilà ! Et vous allez ajouter que j’avance pour échapper aux juges ! Bien sûr, j’enrage de voir qui me succède. J’enrage de ses mots et astuces alors que le pays décline et que rien ne se fait ! Moi j’ai pris la crise de face. Lui il la traite par les plantes !

 

Docteur Freud
Vous n’arriverez à rien ainsi. La violence vous anime peut-être, elle vous consume surtout. Guider un peuple, c’est sans doute le houspiller, pas l’apeurer. C’est une longue série de séances que je vois pour vous, si vous les voulez, et pour l’économie française sûrement. Il faut savoir pourquoi elle aime tant ce qui l’étouffe dans ce monde concurrentiel : l’Etat-Mère (pardon de la sonorité marseillaise), et se plaint tant de la note qui va avec : impôts et chômage, mais sans oser changer.

 

Nicolas Sarkozy

Ça j’aime ! C’est même le « ça » que j’aime ! Ce qui m’aiderait, Docteur, c’est que vous me disiez pourquoi nous sommes tant obsédés par l’égalité des résultats, pas celle des chances. Pourquoi fantasmer sur un peloton qui accélèrerait de lui-même, alors que seule l’échappée réveille ? Pourquoi craindre plus le futur inconnu que le passé qui s’effondre ?

 

Docteur Freud
Humain, trop humain ! Les peuples pensent toujours s’en sortir en tant que peuples, sans chef/père, avec leur Etat-mère. Mais il leur faut toujours un chef, quitte à le tuer. En France, l’extérieur fait peur, alors qu’il n’y a pas de vie sans sortir du ventre maternel et couper le cordon. En France, le liquide amniotique, c’est l’emprunt d’état. Mais un liquide perpétuel.

 

Nicolas Sarkozy

Œdipe qui tue le Père/Président et veut coucher avec l’Etat-mère, Narcisse qui se croit incapable d’aimer et ne regarde que ses sondages, l’échec électoral castrateur, la peur de la crise comme peur de la mort… je sais. Vous n’êtes pas le premier que je consulte. Mais comment me guérir moi, autrement dit me faire revenir à la jouissance élyséenne sans effrayer les électeurs alors que le temps presse et que « l’autre » les illusionne ? Dire la vérité ?

 

Docteur Freud
La vérité, c’est ce qu’on cache et qui se cache.

 

Nicolas Sarkozy

Merci ! Moi, je rêve de la France…

Docteur Freud
Un rêve : parlez-m’en !

 

Nicolas Sarkozy

Oh, elle est confuse et multiple dans mon rêve, cette France. Elle a beaucoup vécu et se demande que faire du temps qui lui reste à vivre. Tout le monde la regardait il y a quelques siècles. Maintenant c’est moderne de la moquer. Ses enfants lui parlent peu, et en Anglais. Ses pères sont nombreux, ce qui explique son trouble identitaire, et sa mère l’a tant aimée qu’elle l’a gâtée.

Docteur Freud
Ce n’est pas ainsi que vous allez la reconquérir !

 

Nicolas Sarkozy

C’est peut-être plus la jalousie que l’amour qui m’anime, face au mou, au vieux et à la Marine. Mais c’est peut-être mieux de jalouser que de fuir. Surtout, l’essentiel est de me guérir, moi, même si vos moyens sont frelatés !

Docteur Freud
Merci. Au fond, vous doutez parce que vous avez raté, d’où cette nervosité. Cette revanche qui vous tenaille est peut-être la peur. Et comme vous avez peur, vous faites peur. Et vous perdez.

 

Nicolas Sarkozy

Alors il vaudrait mieux laisser passer le vieux et attendre sept ans, deux plus cinq ? Je sais que je suis inquiet, nerveux, impulsif, mais je n’ai pas peur. Ou alors peur du temps qui passe sans rien « décider ».

 

Docteur Freud
Et moi j’ai peur de ne rien pouvoir faire pour vous si vous ne voulez pas réfléchir avec quelques conseillers sans les terroriser. Changer de nom de parti, pour moi, c’est afficher un trouble identitaire.

 

Nicolas Sarkozy

J’en ai trop entendu !

Docteur Freud
Il ne s’agit pas d’entendre mais d’écouter.

 

Également publié dans Politique Matin.