Nous mourrons plus tard

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Enfin une bonne nouvelle de l’Insee ! L’âge moyen de décès en France est de 79 ans en 2017. 11 ans gagnés par rapport à 1967 : c’était 68 ans. La durée moyenne de vie passe ainsi de 72 à 83 ans pour les femmes, 11 ans gagnés, et de 64 à 76 ans pour les hommes, 12 ans gagnés. Compte tenu des « arrondis », la longévité a autant augmenté pour les femmes que pour les hommes, donc les écarts entre sexes demeurent : 7 ans. La mort frappe plus chez les hommes, parce qu’elle frappe plus tôt. Entre 20 et 29 ans en effet, les décès d’hommes sont 2,9 fois plus nombreux que ceux de femmes, 2,2 fois plus nombreux entre 30 et 39 ans, 2 fois plus entre 60 et 69 ans. Les « comportements à risques » des hommes : accidents de la route, conduites à risque, suicides même (relativement plus masculins que féminins)… se payent. Puis les excès masculins se réduisent !

 Nous mourrons plus tard

Cet allongement de la durée de vie s’inscrit dans une heureuse tendance : 7 ans de plus en trente ans, entre 1967 et 1997, et 4 autres en vingt ans, entre 1997 et 2017. Certes, on peut se dire que le gain décroît, passant de 2,8 mois par an dans la première période, à 2,4 dans la deuxième. Mais il s’agit là, en fait, de progrès qui viennent de la baisse de la mortalité infantile, plus importants dans la première période, grâce aux vaccinations, antibiotiques et campagnes de sensibilisation contre la mort subite du nourrisson, qu’à une baisse des progrès de la médecine ces dernières années ! Ils continuent, avec les campagnes de dépistage et de suivi et, au moins autant, avec le souci de l’entretien physique, qui se développe.

Maintenant, il faut se dire des choses peut-être moins agréables, mais qui sont la conséquence de cette amélioration, pour qu’elle se poursuive.

Paradoxe désagréable en premier lieu, le nombre de décès augmente depuis 2008, et continuera. Il atteint 594 000 personnes en France métropolitaine en 2017, record d’après-guerre. Ce chiffre vient en fait de la rencontre de deux baby booms. C’est d’abord la fin de celui de la première guerre mondiale, qu’on a oublié. Le baby boom des années 20 s’achève, décalé dans le temps pour les hommes et surtout pour les femmes, du fait de leur longévité accrue. En 2017, le quart des personnes décédées a plus de 90 ans : elles sont nées avant 1927. Puis vient le début de la fin du deuxième baby boom : celui de l’après deuxième guerre mondiale.

Deuxième conséquence, plus compliquée encore à admettre, notre système de retraite par répartition dépendra des rapports entre croissance et longévité. Il est fonction de la productivité et de l’emploi du côté des ressources, des « cotisants », et de la démographie de l’autre, combinant taux de fécondité et longévité pour les « recevants », les retraités. Le Conseil d’Orientation des Retraites calcule qu’un homme ayant 60 ans en 2040 « devrait » mourir à 87 ans, puis un autre de 60 ans en 2060 « devrait » nous quitter à 91 – contre 86,5 actuellement. Et une femme de 60 ans en 2040 « devrait » mourir à 90 ans, puis une autre de 60 ans en 2060 « devrait » mourir à 94 – contre 88 aujourd’hui. Nul ne sait où ira cet accroissement de longévité, ce qui posera des problèmes d’équilibre à la retraite par répartition. On passerait de 3,5 cotisants pour un retraité en 2011 à 2,9 en 2017 et à 1,7 en 2070. Si la longévité croît toujours, hors remontée de la productivité à susciter (comment ?), le déséquilibre des retraites empirera. Et on sait encore moins comment évoluera la santé des plus âgés. Tout ceci pourrait conduire à repousser l’âge de la retraite, à prélever plus, à répartir moins, dans des combinaisons fonction de (chaudes) discussions médicales, syndicales, politiques et économiques.

Eh oui : mourir plus tard n’implique pas de vivre plus longtemps bien, si on ne s’y prépare pas. Nul ne connaît la croissance française dans 30 et 40 ans, or c’est elle qui déterminera les retraites d’alors. Les « droits à la retraite » existent, mais ils dépendent de ce qui pourra être réparti.

C’est là qu’il faut se préparer : vivre plus longtemps est une bonne nouvelle… à créer. Elle implique une hygiène de vie plus stricte. Surtout, elle demande une meilleure « hygiène de vie économique », en épargnant tôt dans des actifs ayant eux même une longue durée de vie : logements dans des villes en expansion, investissements dans les biens de consommation et les services liés à une meilleure qualité de vie. Puisque nous allons vivre plus longtemps, il faut financer ce qui nous le permettra !