Quand le pétrole va, tout va ?

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Oil growth - medium

 

Réponse : oui, mais pas pour bien longtemps. Pas d’exception d’abord : le prix du pétrole est régi par la loi de l’offre et de la demande. Complications ensuite : il est plus exactement régi par la loi des deux offres et des deux demandes, avec beaucoup de politique et de tactique, tout simplement parce qu’il se stocke sans problème (et depuis des siècles !).

Tout commence par les deux demandes, celle qui vient des pays émergents, notamment de Chine, celle qui vient des pays industrialisés, notamment des Etats-Unis. Les émergents sont gros consommateurs de produits pétroliers, parce qu’ils sont plus industriels et en rattrapage rapide. La Chine y est à la première place, grande puissance industrielle et deuxième économie du monde. Alors, quand la Chine va mieux, la demande de pétrole augmente, mécaniquement. Tous les autres pays émergents suivent. Tous les prix des matières premières augmentent. Mais la Chine ne va plus croître à 10 %. Elle peine même à croître à 6 % parce qu’elle change, allant vers la satisfaction de sa demande interne et non plus la production pour les autres pays, industriels et émergents. Elle va donc décélérer vers 5 %, puis 4 %. Et va entraîner avec elle les autres émergents, donc faire décélérer (au mieux) les prix des autres matières premières.

Quant aux pays industrialisés, on voit leur croissance modeste, à commencer par les Etats-Unis, sans oublier leurs politiques de décarbonisation. Donc, la demande de pétrole va y augmenter lentement dans les années qui viennent.

Mais le pire vient de l’offre, plus exactement des deux offres, classique et schiste. Offre classique d’abord. Il fut un temps où l’OPEP dirigeait les prix mondiaux du pétrole et, en son sein, l’Arabie saoudite. Face à un ralentissement économique important, l’OPEP, autrement dit l’Arabie saoudite, réduisait alors sa production pout « tenir » les prix autant que possible. Elle faisait l’essentiel de l’ajustement. Mais c’était avant. Aujourd’hui, avec de nouveaux venus sur le marché, la part de l’OPEP a diminué, donc son influence. Surtout, en son sein, il y a dorénavant une guerre entre Arabie saoudite et Iran. L’Iran veut retrouver sa part de marché d’avant les sanctions américaines, une part prise par les autres. Donc le prix du pétrole devrait baisser. C’est ce qui s’est passé l’année dernière.

Mais le pire vient du pétrole de schiste, produit puis exporté, par les États-Unis. C’est là une autre offre, avec d’autres logiques de coûts de production.

La baisse du prix du pétrole animée (en fait) par l’Arabie saoudite a ainsi eu un double effet : ruiner les producteurs américains de pétrole de schiste, freiner toute hausse des prix du pétrole, contre l’Iran, pour limiter d’autant sa capacité à investir plus, pour produire plus. Ceci vient avec d’autres effets dramatiques : Nigéria, Algérie, autres pays du golfe et Venezuela bien sûr.

Mais, en même temps, les producteurs de pétrole de schiste américain ont fait des progrès, étant capables désormais de produire moins cher qu’avant, et surtout plus vite. Ainsi, chez eux, le nombre de puits de pétrole vient juste de remonter.

Voilà donc où nous en sommes. Les deux demandes augmentent doucement. Du côté des offres, il y a une double bataille Arabie saoudite contre Iran, Arabie saoudite plus Iran contre pétrole américain. Donc, chaque fois qu’on annonce que la situation économique s’améliore, le prix du pétrole augmente. Alors l’Iran produit plus et les américains « fracturent » davantage. Alors le prix du pétrole redescend. Moralité : quand tout va, le prix du pétrole va, avant de rebaisser.