Pour un bon Noël : « Tu ne désireras rien de ce qui est à ton prochain »

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Par ces temps de Noël, rien de mieux, pour être heureux, que cet ordre divin – pour certains, ou ce sage conseil – pour tous. Revenons au vieux message qui veut apporter la paix en chacun de nous, pour l’apporter entre nous. C’est le dixième commandement pour l’Eglise catholique. Dans la bible et son Livre de l’Exode, c’est le vingtième. Toujours dernier, mais plus détaillé : « Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain ».

 Pour un bon Noël : « Tu ne désireras rien de ce qui est à ton prochain »

Ne pas convoiter la maison du prochain ? C’est donc là que Marx a trouvé son inspiration pour Travail salarié et capital ! « Qu’une maison soit grande ou petite, tant que les maisons d’alentour ont la même taille, elle satisfait à tout ce que, socialement, on demande à un lieu d’habitation. Mais qu’un palais vienne s’élever à côté d’elle, et voilà que la petite maison se recroqueville pour n’être plus qu’une hutte. » Et il ajoute : « bien que les jouissances du travailleur aient augmenté, la satisfaction sociale qu’elles procurent a diminué à mesure que s’accroissent les jouissances du capitaliste, qui sont inaccessibles au travailleur… Etant d’origine sociale, nos besoins sont relatifs par nature. »

Et voilà l’envie qui vient, celle qui « captive nos regards », comme disaient les Romains. Avance la terrible déesse Invidia, sa tête ceinte de couleuvres, son teint spectral, des serpents aux mains. Pas de surprise donc si, chez les catholiques, elle devient un des sept péchés capitaux : c’est bien le moins ! Elle incarne la tristesse devant ce qu’a l’autre, plus la volonté de l’obtenir.

Les « gilets jaunes » seraient-ils des envieux ? Il faut leur souhaiter que non ! Et nous le souhaiter aussi, en espérant que ce qui se passe n’a rien à voir avec le désir très français de réduire les inégalités par l’impôt ! La déclaration des droits de 1789 l’avait pourtant dit dans son Article 13 — « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». « En raison de leurs facultés » : celui qui gagne plus contribue plus, parce qu’il le peut, non pour réduire les écarts de revenu !

« Liberté, équité, fraternité » : quel dommage de ne pas avoir cette trilogie ! Le lien aurait été direct avec l’équité à la Rawls, la volonté de procurer à chacun l’égalité des chances, pas celle des résultats, qui dissuade de faire des efforts ! L’équité, c’est l’égalité des chances, à entretenir constamment. Elle passe par la formation permanente, avec des appuis pour compenser une situation personnelle ou sociale difficile, bref par la discrimination positive. Ce n’est pas du tout un « programme national » qui taxe de façon croissante les hauts revenus (surtout à partir de 200 000 euros par an), les patrimoines (surtout à partir d’un million) et les gros héritages, pour reprendre des propositions de Thomas Piketty !

Les quatre droits de l’homme sont « la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ». Le risque de l’envie est catastrophique pour celui qui y tombe, car il ne peut jamais être satisfait, et pour celui qui n’y tombe pas mais qui doit le financer – jusqu’à la dissolution du lien social, avec la propriété.

Les « gilets jaunes » ne peuvent se croire sortis d’affaire avec 3 milliards d’ISF pour compenser 100 milliards de déficit budgétaire ! En revanche, Il faut comprendre l’effet de tenaille qui les a saisis depuis des années. Pris entre la stagnation de leur revenu et la montée des dépenses incompressibles (loyer, assurances, gaz, électricité et essence), ils demandent plus de salaires et moins de charges. 20 370 euros, c’est le niveau de vie médian en 2008, qu’on retrouve à 20 300 euros constants en 2015 : aucun progrès. Mais augmenter les revenus par des compléments au SMIC (financés à crédit) ou des appels à des « gestes » patronaux, ou encore abaisser les charges incompressibles (encadrement des loyers ou limitation des frais bancaires) oublie l’essentiel.

Le chômage de masse et de longue durée est l’horreur : pas un mot. Pour en sortir, la formation permanente, l’accès à l’emploi, la montée des qualifications sont les absents de la crise actuelle. Liberté, équité, fraternité, pour n’envier personne. Bon Noël !