Pourquoi être si dur avec les Grecs ?

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C’est la question qui se pose face à ces jeunes élus sans cravate, qui veulent libérer leur pays en ne payant plus ses dettes, en augmentant les bas salaires et en embauchant des fonctionnaires licenciés. Ce serait leur droit : ils viennent d’être élus sur ce mandat. Et quel contraste entre leur allant et le sérieux allemand ! Certes, le Ministre Sapin dit qu’il n’est pas question d’effacer la dette et le Président Hollande indique que tout ceci est très compliqué. C’est bien le moins : un élu d’un pays ne peut pas « tout » faire, car il engage aussi les autres membres de la zone monétaire.

 Pourquoi être si dur avec les Grecs ?

Illustration : Diógenes / Flickr / CC BY 2.0.

 

Et voilà que le Président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, va limiter le refinancement des banques grecques, alors qu’elles ont des problèmes de fonds propres et que leurs dépôts chutent (de 10 % environ entre décembre et janvier). Il ferme le robinet « dans la mesure où il n’est pas possible actuellement de tabler sur une conclusion positive du programme d’examen » (Source BCE), autrement dit sur la poursuite du travail de cette Troïka honnie (Commission européenne, FMI, Banque centrale européenne).

Le temps s’accélère et il va falloir que les élus grecs avancent, au moment où leurs responsables politiques s’insurgent contre la BCE : leur pays est au bord de la cessation de paiement. Souhaitons qu’iI puisse bénéficier de nouveaux allègements de dettes, autrement dit que les autres pays payent pour lui, mais pas sans conditions. Ce sera donc « sous programme », mais pas en fonction d’obligations perpétuelles ou autres, dont le rendement serait d’autant plus élevé que la croissance serait repartie ! La normalisation de l’économie grecque, avec un cadastre, des privatisations, des impositions sans corruption… est de l’intérêt des grecs, car c’est la norme en zone euro. Chacun, dans cette zone, sait qu’il a abandonné une part de sa souveraineté nationale en échange d’une coresponsabilité sur la zone. Et cette coresponsabilité est fondamentalement monétaire.

La stratégie actuelle de la zone euro est de faire (doucement) baisser l’euro, c’est fait, puis de rapprocher les taux d’intérêt du sud des taux allemands, c’est en cours, pour faire repartir la machine économique, ça bouge, puis l’emploi, à partir de la remontée des profits, ça débute. C’est peu à peu et pas à pas.

Si les marchés financiers voient que la BCE « tient bon » et conduit à une solution satisfaisante pour tous, avec un nouvel accord assorti de vérifications, la détente des taux se poursuivra. Mais si la BCE lâche, pourquoi continuer la baisse des taux longs italiens, espagnols, français ? Dans ce contexte, les seuls à baisser seront ceux de l’Allemagne, ce dont elle n’a pas vraiment besoin, avec un euro en chute, parce qu’il inquiètera.

Ne pas maintenir la Grèce dans la stratégie longue de la zone euro, avec ses contraintes et ses immenses avantages, c’est aujourd’hui signer l’échec de la politique de la Banque centrale européenne, de ses achats de 66 milliards d’euros par mois de bons du trésor et de papiers privés. Ils sont faits pour accélérer les réformes et avoir plus de croissance, pas pour aller en sens inverse en profitant de taux plus bas !

Bien sûr ceci n’est pas romantique et ne doit pas faire oublier les difficultés de nombre de membres de la zone. Mais elles viennent, pour l’essentiel, de fautes nationales. Quand la Grèce entre dans la zone, c’est certes sans vérification suffisante d’Eurostat, mais avec les chiffres faux de ses responsables. Quand la croissance est boursouflée par des politiques de construction à tout-va (Espagne, Irlande, Portugal), c’est sans contrôle courageux des banques centrales nationales. Quand les salaires montent au-delà de la productivité (Grèce, Espagne, France…), quand les emplois publics explosent… c’est sans vraie opposition nationale, et des autres pays – sauf « grincheries allemandes ». Mais tout se paye. En contrepartie, c’est bien la zone euro, avec l’Allemagne au centre, qui permet encore à ces pays en difficulté de ne pas avoir explosé, de ne pas être tombés en cessation de paiement, en hyperinflation, en anarchie.

Aujourd’hui, il n’est pas question d’être « dur » avec les Grecs, ou autres, mais de mener ensemble des politiques audacieuses pour changer, sortir de nos égoïsmes nationaux et participer au monde qui se refait sous nos yeux. La zone euro avance par crises. Une grande avancée est donc devant nous.