Les reprises économiques ne meurent jamais de mort naturelle…

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Il faut donc les tuer ! 104 mois ! Voilà plus de neuf ans que la reprise américaine est parmi nous, juin 2009, après cette Grande récession qui avait fait craindre un nouveau 29. Elle résiste, mais elle est poussive et vieille. Devant elle, par ordre de longévité, on trouve l’expansion de 106 mois en 1960 et, record absolu, celle de 120 mois, en 2001. Va-t-elle continuer de vivre ?

 Les reprises économiques ne meurent jamais de mort naturelle…

Qui serait le tueur ? Toujours le même, sauf guerre ou catastrophe naturelle : le serial killer patron de la banque centrale, Jerome Powell aux Etats-Unis, qui vient de succéder à Janet Yellen. De par sa description de poste, « lutter contre l’inflation au-delà de 2% », c’est toujours lui, directement ou non, qui est à la manœuvre. Il calmera d’abord l’ambiance : « attention à l’inflation ». Puis inquiètera en augmentant vite les taux d’intérêt, ce qui pèsera sur les profits jusqu’à étouffer la croissance : « les risques inflationnistes montent » ! Les taux sont alors si élevés qu’il est très risqué d’emprunter : mieux vaut placer ses liquidités à court terme, en attendant que « ça craque ». Que les prix baissent. Lesquels ? Tous : maisons, actions, bons du trésor. L’argent cher stoppera le crédit et gonflera l’épargne : la reprise mourra, mais pas de mort naturelle.

D’où viendra le tir ? Des Etats-Unis toujours, suite cette fois à la politique de Donald Trump de « forçage » de la croissance au-delà du plein-emploi, plus baisses d’impôts et grands travaux ! Jerome Powell appuiera sur la gâchette en montant trois à quatre fois les taux courts en 2018, puis deux fois au moins en 2019. On sent la surchauffe : taux de chômage à 4,1%, taux d’emploi à 60,1% (et qui peine à remonter), pénuries d’emplois qualifiés, immigration limitée ! Les salaires horaires ont brusquement grimpé de 2,9% sur un an fin janvier, déclenchant une hausse des taux longs et une violente baisse boursière. Tout semble s’apaiser aujourd’hui, mais les enquêtes montrent que les consommateurs/salariés attendent d’autres hausses des prix. Pas le choix : Jerome Powell tirera. Les taux courts seront bientôt à 3% et les longs à peine au-dessus, signe du retournement de l’économie en récession pour les marchés financiers. Quand : dans deux ans ? Assez pour battre le record de plus longue expansion de l’histoire économique américaine : le meurtre parfait !

Et ici, dans deux ans ? 1,9% de croissance en France en 2017, autant en 2018 et 2019, avec 1,4% d’inflation : rien ne menace… sauf. Rien non plus en zone euro, où la croissance accélère à 2,7% et l’inflation décélère à 1,3%… sauf. Sauf si les hausses salariales obtenues par IG Metall font des émules (+4,3% en avril, plus primes et augmentations diverses étalées sur 27 mois). Les fonctionnaires allemands devraient s’y mettre, peut-être donner des idées aux Pays-Bas – et, qui sait, ici – malgré le chômage. Aussi longtemps que Mario Dragui est aux commandes (octobre 2019), ce n’est pas lui qui devrait tirer, mais son successeur (allemand) ?

Et que va-t-il alors se passer, avec des taux à peine au-dessus de zéro et un endettement public tout juste stabilisé ? Quelles marges de manœuvre aurons-nous, face à des Etats-Unis qui pourront baisser leurs taux, avec une dette publique qui pourra remonter, « exorbitant privilège » du dollar oblige ? Jerome Powell tuera la reprise américaine et les efforts de Draghi ! Serial killer plus mass murderer !

Surtout, puisqu’on connaît toujours la fin de cette histoire cyclique, pourquoi pousser toujours les feux de la croissance ? Pourquoi donc les patrons repartent-ils toujours à l’attaque, s’ils savent qu’une boucherie les attend, après la fête? Pourquoi ne pas préférer loyers, abonnements, bons du trésor et autres rentes ? Trois réponses : les rentes aussi sont risquées (le loyer sera-t-il payé ?), elles rapportent moins, surtout elles ne sont pas palpitantes.

Ce sont les « esprits animaux » (Keynes) qui sont à l’œuvre, pas le profit de Marx, mais la soif d’avancer, débroussailler, risquer. Ces « esprits » font la croissance, mais ne se dosent pas. Ils poussent les hauts économiques trop hauts, forçant le banquier central à tirer, puis les bas plus bas. Aujourd’hui, entrepreneurs et ménages français, après avoir douté de la reprise, y croient. Il faut donc qu’ils continuent, mais pour nous renforcer, en épargnant, et nous protéger ainsi des balles (américaines) perdues ! Esprits animaux européens contre américains : soyons moins « bêtes » !