Le Chinois : bonjour à tous, aucun portable, micro secret, truc nouveau ?
Les autres : rien du tout, et cette réunion n’a pas eu lieu.
Le Chinois : bien. Nous sommes ici parce nous avons tous un même problème : Kim Jong-un. Son grand père, puis son père, nous ont servis, lui aussi au début, pour avoir un état tampon entre nous et la Corée du Sud, autrement dit les USA. Ils tenaient leurs populations pour empêcher des exodes vers le sud, et même vers chez nous. Mais maintenant, il veut tellement se protéger seul, alors que c’est nous qui le faisons bien sûr, qu’il nous fait peur.
Le Russe : pareil pour nous. Les grottes où il fait exploser ses bombes sont à 400 kilomètres de la frontière chinoise et de Vladivostok. Nous sentons les secousses de ses essais. En même temps, il pousse la région à s’armer, à avoir plus de fusées, d’avions et de navires. Nous avons une vieille expression russe, qui nous vient de Lénine et avant d’Engels : « idiot utile ». Nous l’utilisions pour les « intellectuels de gauche » qui nous défendaient contre la droite, le capitalisme et pour les socialistes ! C’était pareil avec cette dynastie rouge nord-coréenne : assez idiote, mais très utile. Aujourd’hui, le dernier rejeton est franchement nuisible.
L’Américain : merci à nos collègues chinois et russe d’avoir présenté la situation. J’ajouterai trois choses. D’abord, ceci conduit à une course aux armements partout, pas seulement en mer de Chine, mais aussi en Iran. Ensuite, cet équilibre de la terreur qui nous fait vivre, reconnaissons-le, suppose que les opposants sont rationnels, donc qu’aucun ne va presser sur le bouton ou franchir une ligne rouge. Et Kim nous dit que nous n’oserons pas agir, autrement dit que toutes nos bombes ne servent à rien contre celle qu’il n’a pas encore mise au point !
Les autres : et le troisième point ?
L’Américain : Trump. Nous ne le tenons pas : vous avez vu à l’ONU. Il veut que la Corée du Nord soit « complètement détruite », sachant que nous pouvons le faire, bien sûr, mais qu’elle aura aussi le temps de détruire la Corée du Sud et une bonne partie du Japon, grâce à ses fusées, canons et aux armes chimiques qu’elle n’a officiellement pas ! Et c’est alors nous qui serons coupables aux yeux du monde, dans notre impatience, de ne pas avoir voulu, puis su, négocier. Si Kim veut vraiment la protection de son pays, il faut la lui garantir, entre grandes puissances. Après, il n’aura plus de raison de continuer.
Le Chinois : comme disait Sun Tzu, « soumettre l’ennemi par la force n’est pas le summum de l’art de la guerre… c’est le soumettre sans verser une seule goutte de sang » !
L’Américain : Donald ne connaît pas votre Sun Tzu.
Le Macédonien : je commence à comprendre pourquoi je suis là ! C’est chez moi, à Vélès, une ville de 45 000 habitants, que sont créés les dizaines de sites de fausses nouvelles qui ont déstabilisé, puis abattu, Clinton en favorisant Trump. Vous prenez un article américain tiré d’un site d’extrême droite, vous le corsez encore, trouvez un titre choc, puis vous lancez. Et ainsi de suite, sans arrêt. Comme disait Sun Tzu : « arrivez comme le vent et partez comme l’éclair ». C’est la cyberguerre : les opposants s’épuisent à démentir, vient une autre salve et on ne parle plus d’eux. Et Sun Tzu disait surtout : « une armée sans agents secrets est exactement comme un homme sans yeux ni oreilles ». Vous n’allez pas me dire que vous n’avez pas d’agents secrets et d’histoires croustillantes !
L’Américain : nous plus vraiment.
Le Russe et le Chinois, qui se regardent : nous oui.
Le Macédonien : bien ! Lancez des messages sur une fuite dans sa fabrique de bombes et sur une poussée de la radioactivité dans la région. Lancez des chats qui recommandent de manger des conserves, de faire attention à l’eau et aux produits frais. La peur va monter et Kim Jong-un va devoir réagir. Lancez une histoire sur son maréchal le plus fidèle, qui parle à un chinois à l’ambassade. Pareil avec un ou deux bons chercheurs. Donnez les noms. Et bien sûr du sexe : il est homo, bi, rien… Faites des montages photos. Les débats à l’ONU, et même les colères de Trump, lui donnent du temps. Kim est fou, mais pas bête. Faites-lui tuer ses appuis et paniquer ses sujets !
Le Russe et le Chinois : on vous passe des infos demain.
L’Américain : nous des sous, avec des scenarios conspirationnistes.
Le Macédonien : laissez-moi une semaine, bloquez le entretemps, et Donald aussi.