Le « risque du quarteron » : la France ingouvernable

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Quarteron : le quart de quelque chose, le plus souvent d’une livre, soit 125 grammes. Quarteron électoral : c’est la nouveauté qui nous attend. Ce serait un partage des votes en quatre parts égales. C’est ce qui pourrait advenir le 23 avril, lors du premier tour de l’élection présidentielle.

 Le « risque du quarteron » : la France ingouvernable

Ce serait entre Emmanuel Macron (23,5% des intentions de vote), Marine Le Pen (22,5%), François Fillon (19,5%) et Jean-Luc Mélenchon (18,5 %) – selon le sondage Ipsos-Paris Match du 19 avril. Quarteron historique enfin : c’est le mot du Général de Gaulle le 23 avril 1961, parlant d’un « quarteron de généraux en retraite ». Ce quarteron-là avait organisé, le 22 avril, un coup de force à Alger.

Quarteron : 125 grammes, innovation électorale ou nouveau risque majeur, 56 ans après ?

De fait, avec ce « risque du quarteron », la France est en passe de ne pas être « insoumise », comme le souhaite Jean-Luc Mélenchon, mais « insoumettable » – et ceci par quiconque. Elle est en train d’inventer une réponse politique qui pourrait la protéger de tous ces… politiques, hommes et femmes de tous bords, qui veulent la faire changer à coups de programmes. Sa réponse serait le quarteron, l’impossibilité de trouver une majorité et de créer des alliances, une forme plus instable que la Quatrième République.

Nous vivons en effet une double fracture. Il ne s’agit pas « seulement » de « la fracture sociale » dont parlait Jacques Chirac en 1995, thème repris ensuite régulièrement par la gauche. Il s’agit désormais d’une autre fracture qui vient se superposer : celle de la technologie. Elle ne sépare pas « ceux qui ont » des moyens financiers, de « ceux qui n’en ont pas (ou peu) », mais ceux qui sont « branchés », au fait des technologies chez eux et dans leur entreprise, de ceux qui ne le sont pas (ou peu). Nous voilà ainsi face aux quatre quarterons de la France.

Quarteron 1 : ces Françaises et Français n’ont pas, ou peu, de ressources et ne sont pas, ou peu, « branchés ». Evidemment, ceci est très caricatural mais regroupe sans doute les électeurs de Marine Le Pen, si l’on prend les critères d’âge, de revenu, d’emploi et de formation. Ils ont le sentiment que la fracture sociale s’élargit à leur détriment, aggravée par l’Europe et la technologie.

Quarteron 2 : ils ont (encore) peu de ressources, mais l’avenir leur appartient, et ils sont « branchés ». C’est l’électorat d’Emmanuel Macron. Ils sont jeunes, éduqués, pro-européens, optimistes et pensent que les nouvelles technologies sont bien plus une solution qu’un problème, surtout pour eux.

Quarteron 3 : ils ont des ressources et sont assez peu branchés. C’est l’électorat de François Fillon. Ils sont aisés mais inquiets pour leur futur, celui de leur entreprise, de leur territoire et de ses valeurs. Ils ne sont pas à l’aise avec les nouveaux réseaux sociaux et les chamboulements en cours. Leurs repères s’éloignent.

Quarteron 4 : ils ont peu ou pas de ressources, mais sont assez branchés. C’est l’électorat de Jean-Luc Mélenchon, sans doute excessif et révolté, mais tout prêt à troquer la faucille et le marteau contre les nouvelles technologies vertes, assistées par ordinateur. Pas le Larzac, le buzz.

Ces quatre France se découvrent et surtout se comptent. Elles se demandent comment cohabiter. Pour cela, il faudra plus de croissance avec plus de ressources, ou bien il y aura bien plus de tensions. Mais ce « plus de ressources » viendra-t-il de plus d’impôt et de dépense publique, ou de moins d’impôt et de dépense publique, ou de la sortie de l’euro ou bien encore des nouvelles technologies, mieux diffusées et utilisées ? Ces quatre France vont-elles se déchirer sur la répartition et la création des richesses, ou sur la dynamique européenne et technologique ? Ou bien trouver un accord ? Aucune voie n’est évidente, mais il faudra dépasser les guerres de programmes, si l’on veut avancer.

Faire la révolution… technologique : la modernisation de l’économie, privée et publique, semble offrir une solution commune. Cette France des nouveaux échanges, des territoires plus et mieux connectés, passe par des formations, des apprentissages, des liens entre écoles et entreprises, plus un fort appui européen. Pourquoi pas ?

« Françaises, Français, voyez où risque d’aller la France par rapport à ce qu’elle était en train de devenir » disait le Général le 23 avril 1961, avant de conclure « Aidez-moi ! ». Et si, aujourd’hui, face à ce nouveau risque du quarteron, on s’aidait ?