SMIC et Livret A : deux mauvaises équations pour mal gérer la France

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SMIC : il devrait augmenter de 1,24% au premier janvier 2018 pour 1,7 million de personnes (hors apprentis, stagiaires et intérimaires), soit 10,6% des salariés du privé. Cette hausse est une somme : 1% + 0,24%. 1% pour compenser l'inflation des 20% des ménages ayant les revenus les plus faibles. Et 0,24%, c’est la moitié de la hausse du pouvoir d’achat du salaire horaire de base des ouvriers et des employés, qui atteint 0,48% sur l’année. On a donc : 1% + 0,24% = 1,24%. Cette revalorisation est « sociale », puisqu’elle compense l’inflation des plus modestes, et « économique », puisqu’elle inclut une part (la moitié) de la hausse des autres ouvriers et employés.

 SMIC et Livret A : deux mauvaises équations pour mal gérer la France

Le SMIC se veut ainsi M, minimum, et C, de croissance, pour pousser les entreprises à augmenter la productivité de leurs salariés. Quant à la Politique, elle arrive sous forme de « coups de pouce », rares, comme en juillet 2006 (0,3%) et en juillet 2012 (0,6%).

Mais voilà, cette combinaison ne marche pas. D’abord, le SMIC ne baisse jamais en pleine crise, même si les prix baissent (comme au 1er juillet 2009 pour – 0,2%, ou au 1er janvier 2016 pour – 0,1%) ou le salaire hebdomadaire (- 0,1% au 1er juillet 2008). La formule n’en tient pas compte : au plus fort d’une récession, le SMIC monte, seul, en termes réels, ce que les patrons des PME et TPE savent. Ensuite, le SMIC fait augmenter les salaires proches de lui, jusqu’à un tiers des salariés, ce qui fait monter le salaire hebdomadaire, qui est dans sa formule d’indexation ! Et alors, voilà de plus en plus de salariés au SMIC ou proches du SMIC, ce qui implique pour eux une carrière déterminée par une équation, ce qui est dramatique, mais aussi une hausse croissante pour l’entreprise, ce qui la pousse à mécaniser. Alors, pour atténuer cet engrenage… les pouvoirs publics « baissent » les charges sociales !

Ainsi, au 1er janvier 2017, le SMIC mensuel brut (en base 35 heures) s’élevait à 1 480 €, auxquels il faut ajouter les charges patronales après abattement (Réduction Fillon) et en intégrant une mutuelle pour 13%, soit + 192 €, mais en déduisant le CICE (Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi), soit 7% du salaire brut, c’est-à-dire – 104 €. Le SMIC mensuel chargé coûte, en janvier dernier, 1 568 € à l’entreprise, rapporte net 1 149 € au salarié, mais après une prise en charge de 450 € par « les autres » : 340 € de Réforme Fillon et 104 € de CICE ! Les exonérations ne sont pas des « disparitions » et les « transferts » arrivent aux autres, pour les salaires au-delà de 2,6 SMIC, en déficit public et en dette par le CICE !

Livret A : autre formule, même résultat que pour le SMIC. L’épargne dite populaire est gérée par une méthode qui retient le plus élevé de ces deux chiffres : soit la moitié de l’inflation plus la moitié des taux courts, soit l’inflation + 0,25%. Encore une fois, nous voulons être dans l’économie et dans le social. Dans le social puisque le Livret A dépasse en général l’inflation. Dans l’économie, puisque le taux d’intérêt à court terme apparaît. Et le politique intervient alors pour moduler le calcul, comme aujourd’hui avec un taux à 0,75% pour une inflation à 1,1%. Il s’agit de compenser le manque à gagner des HLM avec la réforme des aides au logement. Un coup de pouce inversé, « social » oblige !

La formule veut protéger le logement social, qui a besoin de taux faibles, et les gens modestes, qui ont besoin de taux élevés. Sauf que l’essentiel est oublié : le Livret A est exonéré d’impôt. Rien de surprenant, donc, si les livrets A proches des plafonds (supérieurs à 19 125 €) représentent 45% des encours en 2016 pour 9% du nombre de livrets ! A contrario, ceux de montants inférieurs à 150 € représentent 41% du nombre mais seulement 0,3% des encours, et un montant moyen de 27 €. Et rien de surprenant, non plus, si les livrets A pleins ne bougent pas : le rendement net sans risque et sans effort est toujours jugé satisfaisant.

Une formule pour calculer le SMIC et prétendre combiner l’économie et le social, sauf qu’elle ne s’occupe pas de la pauvreté des familles, crée des carrières-SMIC, pousse les entreprises à mécaniser et en socialise le coût (sans le dire) : quel succès ! Une formule pour calculer le livret A, qui protège de l’impôt cadres et retraités et renchérit le financement des HLM (sans le dire) : pas mal non plus ! Et si le vrai « social » passait par la vraie « économie », sans formule ?