Tout va très bien, Madame la Marquise…

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 Tout va très bien, Madame la Marquise…

Allô, allô, Jean-Paul, quelles nouvelles…
Que trouverai-je à mon retour ?

 

Tout va très bien, madame la Marquise. Ce qui s’est passé en août ne va pas nous affecter. Notre croissance va se poursuivre. Elle permettra des baisses d’impôts en 2016 et cette inflexion si attendue de la courbe du chômage.

Pourtant, il faut que je vous dise, on déplore un tout petit rien. Un incident, une bêtise : le pétrole fait mine grise. Parti de 100 dollars le baril il y a un an, il tombe à 50 en début d’année : tout le monde s’inquiète alors. Puis il remonte à 60 quelque temps : tout le monde respire. Puis il replonge vers 40 aujourd’hui : tout le monde s’angoisse. Mais ce n’est rien, puisque l’essence sera moins chère !

 

Le pétrole vers 40 dollars le baril ! Mais comment vont vivre la Russie, le Brésil, le Nigéria et le Venezuela, en attendant que l’Iran ajoute sa propre production ?

 

Cela n’est rien. Mais le pétrole n’est pas seul. Toutes les autres matières premières, elles aussi, ont baissé. Elles rejoignent, comme le pétrole, le niveau qu’elles avaient atteint au pire de la Grand crise, début 2009. Surtout, toutes les bourses dévissent. Shanghai a reperdu ce qu’elle avait gagné l’an dernier. New York est en baisse de près de 10 % depuis janvier. Le Cac 40 surnage de + 6,8 % sur un an, ce qui est bien mieux que le Dax allemand à + 3,3 %.

 

Allô, allô, les bourses en baisse partout !

 

Cela n’est rien, car tout ceci vient de Chine. La croissance chinoise ralentit beaucoup. + 6 %, + 4 %, + 2 % : on ne sait pas de combien, c’est d’ailleurs le problème. La principale raison économique avancée, c’est que le Yuan devient de plus en plus fort dans la région. En même temps, pour rééquilibrer l’économie mondiale, louable projet, les autorités se lancent dans le new normal. L’ancien normal, c’était la croissance par l’extérieur – impossible de continuer. Avec le new normal, ce sera par l’intérieur. Ce sera plus sûr, mais au prix d’un changement de stratégie qui implique un ralentissement ! Donc cela n’est rien.

Et il y a une autre raison, plus officielle encore. Le FMI lui-même a demandé plus de flexibilité au Yuan s’il veut entrer dans le panier des grandes monnaies de réserve du monde (dollar, euro, livre et yen) : le DTS (Droits de Tirages Spéciaux). Mais voilà : cette flexibilité demandée au Yuan commence en août, au pire moment. Elle inquiète tout le monde ! Elle fait chuter toutes les devises sauf le dollar et l’euro (et le Franc suisse). Mais voyez comme les gens sont méchants : ils interprètent cette flexibilisation du Yuan comme destinée à freiner la décélération économique ! Mieux encore : la Banque centrale chinoise vient de baisser les taux pour calmer le jeu et ça ne marche pas (encore). Les raisons pour ne pas s’inquiéter s’accumulent !

 

Les devises en baisse partout, sauf le dollar qui monte et l’euro aussi ! Mais ceci ne nous aide pas !

 

Cela n’est rien, car le pétrole va encore plus baisser. Bien sûr, nous sommes deux fois plus exposés que les Etats-Unis au ralentissement des émergents. Nous aurons donc plus de problèmes qu’eux, sans compter ce qui peut se passer chez nos voisins, Algérie par exemple. Et si l’euro continue de monter, avec ces clients plus pauvres et plus inquiets, cela ne va pas aider. Mais ce n’est rien !

 

Mais alors, Jean-Paul, si ce n’est rien, les taux longs vont-ils baisser eux aussi ?

 

Ah non, eux, ils montent ! Peut-être qu’ils se demandent qui financera dorénavant le déficit américain. D’ailleurs, on voit la même interrogation arriver en France où les taux longs remontent plus que les taux allemands : les pays émergents ont dû vendre leurs bons du trésor américains, allemands et français. L’écart entre les taux à dix ans français et allemand, qui était avant de 0,25 %, vient de passer à 0,41 %.

 

Mais alors, que va donc faire Janet Yellen, la patronne de la Banque centrale américaine, le 17 septembre ? Monter ses taux comme prévu, ou passer son tour ?

 

Tout va tellement bien qu’elle va sans doute attendre, pour faire que tout soit encore plus calme, même si la croissance américaine est bonne. Elle n’est pas pressée et s’expliquera. Les marchés respireront et tout continuera.

 

Mais alors, je n’entends pas bien au portable, « continuera » vers le haut ou vers le bas ?

 

Vers le bas, bien sûr, pour le pétrole ! Le reste suivra. Mais nos dirigeants ne vont pas changer leurs prévisions et leur politique prévue de dépenses et de baisse d’impôts. C’est donc que tout va très bien, tout va très bien !

 

Voir sur ce sujet Rentrée : les quelques mesures à prendre, pour savoir où on est, le Zoom du 27 août.

 

Également publié sur Atlantico.