Voulons-nous disparaître ?

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Dans vingt ans, aucun pays européen ne sera sur le podium mondial. Nous verrons toujours les Etats-Unis, mais Chine et Brésil seront désormais devant nous. L’Allemagne sera le dernier pays européen à quitter l’estrade, après le Royaume-Uni, après la France – dans cet ordre. Sauf…

 Voulons-nous disparaître ?

Sauf si nous nous unissons et renforçons l’Europe, dans et par la zone euro. En 2019, selon le FMI, le monde produira 100 000 milliards de dollars courants, les Etats-Unis 22 000, la zone euro 17 000, la Chine 15 000, le Japon 6000, l’Allemagne 5 000, la France et le Royaume-Uni 4 000. Actuellement, les Etats-Unis croissent de 800 milliards de dollars par an, la Chine de 1000, l’Allemagne de 200, la France de 150. Nous existons par notre PIB, même si la mesure est imprécise et réductrice. Si nous lâchons économiquement pied en nous divisant, en perdant le sens de l’histoire qui se joue devant nous et avec nous, notre poids va baisser, notre capacité d’attraction s’affaisser. Les grands centres de production et de recherche iront ailleurs, les nouveaux y naîtront – avec l’emploi.

Notre choix est stratégique entre deux voies : la re-nationalisation ou un fédéralisme amélioré et renforcé.

Renationalisation, c’est donner plus de poids aux questions nationales, au risque de creuser les différences. On sait comment cela finit : les tensions empirent, les accords deviennent plus complexes pour des résultats plus ténus. L’explosion est au bout du chemin avec sa séquence tragique : interrogations, inquiétudes, dévaluations en chaîne, faillites publiques et privées, chômage et l’hyper-inflation qui « éteint » les dettes.

Fédéralisme amélioré, c’est comprendre les quatre étapes de la démarche en cours, pour la continuer et l’approfondir. Un, c’est la monnaie unique, dans la filiation du rapprochement Charbon-Acier entre France et Allemagne. Deux, l’union bancaire vient de naître en trois ans seulement, apportant co-surveillance et co-responsabilité à notre système de financement. Trois, les élections européennes viennent de montrer clairement le rôle constamment moteur des chrétiens-démocrates et des socio-démocrates. Voilà les leaders connus et incarnés. Quatre, il s’agit  d’aller vers une Europe fiscale, avec une coopération renforcée de quelques pays (9 au moins) pour travailler sur des bases fiscales communes pour les entreprises et les personnes, puis d’harmoniser les taux. Ainsi  va diminuer le dumping fiscal – c’est la prochaine et grande étape. Dans chaque cas, il faut réduire les tensions, homogénéiser, réunir des moyens pour peser davantage dans un monde qui se développe plus vite que la zone euro.

Fédéralisme renforcé, c’est un principe de subsidiarité plus efficace. C’est l’Europe puissance et l’Europe des grandes régions. L’Europe puissance doit s’occuper des choix stratégiques de l’union, mais en nombre plus restreint. Il s’agit surtout de la force armée, des frontières, de la protection des données et de renforcer les entreprises européennes. Le concept de « marché pertinent » qui sert à la politique de la concurrence doit être revu et s’étendre au niveau européen au moins, mondial de plus en plus. Autrement nous affaiblirons nos entreprises. En même temps, des régions plus puissantes doivent s’adapter à leur situation propre et nouer des alliances avec d’autres pour partager des ressources ou mener des projets communs.

Non nous ne voulons pas disparaître, mais pour cela, nous devons expliquer clairement nos choix, tant de stratégie que de proximité. Les « solidarités de fait » de Robert Schuman n’ont pas fini de se construire, les solidarités humaines moins encore.